Qu’est ce que le Groupe Technologia ?
Le Groupe Technologia est un leader de la prévention des risques et de l’amélioration des conditions de travail depuis 30 ans. Leur démarche repose sur une compréhension des besoins, la mise en avant d’un dialogue social équilibré, la réactivité et la complémentarité des compétences. Leur objectif est de préserver et améliorer la santé et la sécurité au travail
Qui est Jean-Claude Delgènes ?
Jean-Claude Delgènes né le 5 novembre 1956 à Neufchâteau dans les Vosges, il est le Président et Fondateur de Technologia. Diplômé d’études approfondies (DEA) De sciences économiques (systèmes et structures), il débute sa carrière en 1985 en temps que chargé de mission au ministère de de l’industrie puis Directeur Adjoint de l’institut de recherche économique et sociales (IRES) jusqu’en 1989, par la suite il crée le cabinet Technologia qui est l’un des premiers cabinets spécialisés en évaluation et en prévention des risques liées au travail.
Aujourd’hui nous avons le plaisir de vous partager un article publié dans le magazine Marianne qui a pour sujet les violences envers les femmes, écrit par Jean-Claude Delgènes.
Violences envers les femmes : quand l’entreprise montre la voie au monde politique
Des affaires récentes ont exposé des cas de violences à l’égard des femmes au sein du monde politique. L’insuffisance de la réponse que celui-ci a apportée au phénomène illustre son retard en la matière vis-à-vis de la société civile, et singulièrement du monde de l’entreprise, selon Jean-Claude Delgènes, dirigeant fondateur du cabinet Technologia.
Divers litiges ont impliqué récemment des hommes politiques en raison de violences faites aux femmes. Ces affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire si ce n’est l’activité parlementaire posent une question fondamentale : celle de l’indulgence envers des comportements violents vis-à-vis des femmes. Les atermoiements, les postures, la confusion dans les réponses apportées au cours de ce débat, pourtant essentiel, démontrent un retard de la classe politique française dans le traitement de ces comportements contraires à la loi. Pour demander que l’on passe l’éponge sur ces actes, certaines interventions publiques ont même évoqué, dans ces circonstances, le célèbre adage latin : « Errare humanum est, perseverare diabolicum ». L’idée est ici de tabler sur le pardon collectif et l’intelligence des fautifs : commettre deux fois la même faute ne serait pas le fait d’un homme sage… Dans ce débat se sont ainsi trouvés opposés deux grands principes de nos lois en société : celui de préserver les femmes victimes d’une violence de genre, et celui d’accorder à chacun un droit à l’erreur.
A contrario, dans les milieux professionnels, la prise de conscience des dirigeants et des représentants du personnel a débouché depuis quelques années sur une prévention des risques exposant les femmes à la violence. Cette prévention reste encore insuffisante sa mise en œuvre pourrait néanmoins inspirer les élus politiques. L’action éclairée de ces derniers s’avère en effet indispensable pour avancer à grands pas dans la prévention des violences faites et de leurs conséquences complexes. Traiter cette complexité demande de revenir à l’analyse des phénomènes de contagion et d’éducation collectives.
REDÉFINIR DES NORMES ET DES VALEURS COMMUNES
Il faut entendre que toute action violente d’un homme politique envers une femme, action de surcroît démultipliée dans les médias, peut induire des comportements déviants en cascade. Cette violence médiatisée peut entraîner une imitation des citoyens ; à tout le moins, brouiller leur analyse et leur respect des règles en vigueur, en raison de cette injonction contradictoire. Car que l’on prenne l’affaire dans un sens ou dans l’autre, les Français retiendront le sempiternel : « Agissez comme je vous le dis, pas comme je le fais ». Ce brouillage est encore accentué si l’auteur de violences a décidé de faire de la politique sa profession, car il se trouve alors dans l’institution à l’origine de la loi censée faire prévaloir le droit sur la force. Dans ces conditions, laisser apparaître un traitement d’exemption sera interprété comme un renoncement aux valeurs démocratiques et plus particulièrement à l’égalité entre les femmes et les hommes. L’exemple vient d’en haut, et si on renonce à cette exemplarité, il est fort probable que certains agresseurs demain plaideront leur cause en référence à ces inégalités de traitement.La clarté doit conduire l’action publique et permettre à la société de définir des normes et des valeurs communes qui règlent le comportement des hommes et enrayent le cycle de la violence. Comment agir pour préserver les victimes, si ce n’est en instaurant des règles claires et en les appliquant avec lucidité et rigueur ? À l’évidence il est plus pertinent d’encourager et de former pour ne plus avoir à subir de tels errements. Sur ce plan, le monde de l’entreprise s’efforce de réaliser des progrès afin de préserver les femmes des violences sur le lieu de travail et même à leur domicile ! Le chemin n’est pas écrit d’avance mais en agissant en prévention, l’entreprise peut devenir un refuge pour les victimes. En cela, le projet qui se dessine doit être porté et encouragé par les femmes et les hommes politiques. Ces encouragements ne sauraient se passer de l’exemplarité de leurs comportements. Les violences faites aux femmes ne peuvent pas être banalisées en raison de considérations personnelles ou d’enjeux partisans.
En France, une femme meurt tous les 3 jours et demi sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. En 2021, 122 femmes sont décédées des suites de violences conjugales, contre 21 hommes. 12 enfants ont succombé aux blessures portées par un agresseur intra-familial. Avec 1,8 féminicide par million d’habitants, la France se classe tristement loin de l’Espagne (0,2) le bon élève européen en prévention, ou encore de l’Italie (0,1). Elle se place très loin de la moyenne européenne qui se situe à 0,4. Ces statistiques morbides ne soulignent pas toute la gravité de ce fléau social car elles ne rendent compte ni des suicides provoqués par cette terreur au quotidien, ni des diverses maladies engendrées : dépressions chroniques, cancers, accidents cardiovasculaires, etc. – et encore moins des tourments endurés par des milliers d’enfants.
Cette violence envers les femmes s’immisce au-delà de la sphère familiale elle est présente dans toutes les sphères de la société, dans toutes les régions, et n’épargne aucune catégorie sociale. Chaque année dans notre pays, près de 210 000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles Au sein du monde du travail, on retrouve communément encore du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles pouvant aller jusqu’au viol. Et que l’on ne s’y trompe pas, si les hommes sont susceptibles également de subir des atteintes à leur intégrité, les données internationales démontrent que les femmes sont trois fois plus souvent victimes de violences sexuelles ; d’ailleurs dans 98% des cas, les auteurs de ces violences sont des hommes. Pour ma part, en 35 ans de prévention, je n’ai jamais rencontré d’homme harcelé sexuellement par une femme comme le laisse entendre le film Harcèlement de Barry Levinson sorti en 1994 qui met en scène Mickael Douglas et Demi Moore.
UN TABOU S’EFFRITE
La loi interdit et réprime ces crimes et délits ; et pourtant ils perdurent. Une prise de conscience collective est cependant en train de s’imposer et de l’emporter. Le tabou des violences faites aux femmes s’effrite peu à peu. Si la répression échoue à endiguer encore les pulsions archaïques, des progrès sont malgré tout notables dans les comportements. Ainsi, depuis l’instauration de règles de parité dans les fonctions électives publiques ou professionnelles au sein des conseils d’administration ou des mandats de représentation, les attitudes commencent à se modifier. Par ailleurs les réseaux sociaux, depuis l’émergence de #MeToo, ont favorisé l’expression et la protection de bon nombre de victimes. Ce qui était permis hier ne l’est plus aujourd’hui. Les défis des entreprises restent entiers tant pour assurer une égalité de traitement des femmes et des hommes que pour prévenir les actes de violence.
Bon nombre d’actes contraires au droit sont encore trop souvent constatés dans la sphère du travail : discriminations sexistes à l’embauche ou à la promotion des femmes, harcèlements sexuel et moral, inégalités de rémunération, précarité professionnelle plus importante… Le chemin vers une réelle égalité est semé d’entraves et d’obstacles mais ne nous y trompons pas, des progrès sont en cours. Ils sont lents. Ils sont certes encore insuffisants et parcellaires mais les lignes bougent et il convient de le constater sans tomber dans l’euphémisation ou la naïveté. Beaucoup d’efforts restent à faire mais le chemin déjà parcouru doit encourager à poursuivre dans cette exigence de mise à niveau des femmes et des hommes.
Les entreprises, pour se conformer à leur obligation de garantir la santé et la sécurité des salariés, se dotent d’un arsenal éducatif et répressif. Elles progressent en mobilisant des moyens renforcés : certes, avec trop de lenteur pour nombre d’entre elles ; certes, sous la contrainte des institutions représentatives du personnel qui mènent un travail parfois invisible mais inlassable et efficace. Les plus grandes d’entre elles, sociétés multinationales, redoutent en outre des cotations négatives ESG, fondées sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Ces notations, issues d’agences extra-financières, peuvent détourner les investisseurs en cas de mauvaise gestion des droits humains.
MISSIONS DE L’ENTREPRISE ET AIDE AUX VICTIMES
Le lien professionnel s’avère très utile pour acculturer les comportements. Lorsqu’ils intègrent un milieu professionnel, les individus ne choisissent pas en règle générale les personnes avec lesquelles ils sont conduits à travailler. Cet impératif les oblige à composer avec les diverses personnalités et caractères qu’ils côtoient. Cette mise en relation interactive facilite l’éducation réciproque. L’entreprise en imposant des normes relationnelles respectueuses doit de facto faciliter la résorption de ce fléau des violences professionnelles et des violences conjugales : si autant de femmes subissent des violences, cela signifie à l’évidence que de nombreux persécuteurs se trouvent en milieu professionnel… Les actionnaires de l’entreprise, le management et les élus du personnel ne peuvent pas « s’en laver les mains » et accepter dans l’indifférence générale que parmi les salariés certains commettent de tels crimes ou délits.
Désormais se met en place une répression des actes de violence sexuelle et/ou psychologique. Des progrès sont sensibles. Et les équipes de Technologia ont souvent constaté que même un statut élevé dans la hiérarchie de l’entreprise ne protégeait pas indéfiniment les fautifs mis en cause. Ce fut le cas dans la condamnation confirmée en appel pour harcèlement moral des dirigeants de France Telecom, entreprise du Cac 40, qui constitue en l’espèce un repère historique et qui incite depuis lors le top management des grands groupes à inscrire dans les leviers de performance le respect des droits humains au travail. Seule grande difficulté, les situations où l’agression ou le harcèlement sexuel sont commis par le patron de l’entreprise. Ce dernier, comme on le constate souvent, parvient encore par la négociation d’une rupture conventionnelle très avantageuse pour la victime à acheter son silence et à éviter des poursuites. L’action en prévention au sein des entreprises peut se résumer au triptyque : informer – sensibiliser – former – et en cas d’écart, sanctionner les auteurs de délits avec une tolérance zéro-et le faire savoir.
Diverses études montrent que les hommes considèrent encore « qu’on en fait un peu trop sur ces questions ». Lever ces objections rarement formulées est au cœur de la sensibilisation dispensée au sein des entreprises. Informer tous les salariés consiste tout d’abord à rappeler les textes du code pénal qui répriment la violence physique, psychologique ou sexuelle. L’information délivrée est rappelée régulièrement, elle détaille la gravité de ces délits ou crimes. Les entreprises précisent ensuite les procédures de signalement et les dispositifs de prise en charge en interne des victimes. Enfin elles instaurent une transparence sur les sanctions encourues par les auteurs de ces violences. Dans ce but, les entreprises inscrivent dans leur règlement intérieur le rejet de toutes violences y compris conjugales.
De même les employeurs veillent à signaler dans le Document Unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) les incidents ou évènements qui ont pu marquer le collectif des salariés en raison de l’émergence de violences. Cette tolérance zéro ne s’arrête pas aux frontières de l’entreprise. Une sanction comme celle d’un licenciement ne peut être exclue du seul fait que les actes contraires à la loi sont commis en dehors du temps et du lieu de travail. Les violences domestiques peuvent être invoquées par l’employeur comme motif suffisant pour justifier un licenciement de l’auteur car elles sont de nature à créer un trouble objectif pour l’entreprise. Chacun doit mesurer les risques qu’il encourt pour son travail, pour sa carrière s’il commet ce type de délit ou de crime.
Le Groupe Up-Chèque Déjeuner, scoop de 3200 salariés, a par exemple mis en place une formation de sensibilisation destinée à son CODIR et à l’ensemble des managers ; par ailleurs tous les salariés sont informés régulièrement sur ces sujets. L’action de prévention de la violence suppose en effet un ancrage approfondi : la mise en avant d’une charte éthique rejetant toute violence relationnelle est un premier pas mais qui demeure largement insuffisant. L’employeur et les membres de la délégation du personnel au CSE, de plus en plus souvent, se mettent d’accord pour que la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise prenne en compte cette problématique des violences faites aux femmes. Des accords d’entreprise sont signés entre les parties pour préciser les procédures de signalement et la prise en charge ou l’accompagnement des victimes de harcèlement sexuel ou de violences conjugales. Les parties peuvent aussi se mettre d’accord pour le renforcement du rôle et des moyens dévolus au référent de lutte contre le harcèlement sexuel et le sexisme. Parfois est prévu, comme chez EDF, le recours systématique à l’intervention d’un tiers préventeur afin de traiter de manière approfondie les écarts, en favorisant la libération de la parole chez les victimes qui se voient garantir ainsi une totale confidentialité dans l’expression.
COMPRENDRE LES VICTIMES POUR LES SOUTENIR
Les femmes qui subissent des actes de violence sont exposées à « décrocher » sur le plan professionnel. Les entreprises, c’est bien connu, n’ont guère de mémoire et ne s’interrogent pas toujours sur la contribution passée de chacun. Peu importe les réalisations d’hier, la reconnaissance va à ceux qui s’engagent aujourd’hui A ceux qui atteignent leurs objectifs. La tentation de se séparer de « celle qui avait habitué à mieux » peut surgir comme solution de facilité. L’action en défense des élus du personnel, la compassion si ce n’est la lucidité de certains managers, pourront le plus souvent préserver les victimes, assurer leur protection contre le licenciement et leur éviter ainsi cette double peine. Si de nombreuses actions convergentes et coordonnées sont mises en œuvre dans la durée, alors l’entreprise devient un sanctuaire où la culture de prévention triomphe des archaïsmes qui menacent les femmes. Beaucoup reste à faire au sein des entreprises pour donner à celles-ci un futur plus lumineux.
Les élus de la nation doivent mettre en place au sein des partis politiques, comme du Parlement, le triptyque informer-sensibiliser, former et en cas d’écart sanctionner les auteurs de délits avec une tolérance zéro. Comparaison n’est pas raison, et il vrai que les institutions de représentation démocratique obéissent à d’autres contraintes que celles qui régissent les entreprises. Protéger les élus et organiser la séparation des pouvoirs sont des impératifs en démocratie. Il n’en reste pas moins que les droits fondamentaux des femmes victimes directes ou indirectes doivent être respectés au cœur de l’exercice du pouvoir.
Selon le collectif Chair Collaboratrice – constitué à la suite de l’affaire, finalement classée pour prescription, autour de Denis Baupin, député, à l’époque vice-président de l’Assemblée nationale, accusé d’agressions sexuelles et de harcèlement par huit femmes au cours de la période 1998-2014 – qui a réalisé un sondage au printemps 2019 au sein du personnel de l’Assemblée nationale, la moitié des assistants parlementaires auraient déclaré avoir été victimes ou témoins de blagues sexistes ou sexuelles, mais surtout une collaboratrice sur cinq a affirmé avoir été victime d’une agression à caractère sexuel dans le cadre de son travail parlementaire au sein de l’enceinte du Palais Bourbon. Même si cette enquête a été décriée et critiquée dans sa méthode, 137 collaborateurs qui œuvrent au quotidien auprès des 577 députés ont tout de même répondu à ce questionnaire anonyme. Les anecdotes rapportées sur le site internet de ce collectif confortent par ailleurs la véracité de cette analyse qui montre que le sexisme reste bien présent au sein de l’Assemblée.
Pour donner suite à cette enquête, un collectif de 26 députés appartenant à 8 courants politiques ont saisi le président de l’Assemblée nationale pour envisager des solutions pour prévenir ces violences faites aux femmes. Il a résulté de ce mouvement une première avancée avec la création d’une cellule d’écoute annoncée par le président de l’Assemblée nationale le 15 janvier 2020. Constituée de juristes, de psychologues et de médecins, cette cellule ouverte 24h/24h a pour rôle d’écouter, de conseiller et d’accompagner les victimes ou témoins de harcèlement. Désormais les deux chambres du parlement sont donc dotées d’une cellule d’écoute. On est en droit de considérer que toutes les initiatives pour recueillir la parole des femmes et les aider sont louables. La réflexion politique actuelle se porte sur la nécessité, ou pas, d’étendre ces cellules à l’ensemble des partis. Certains élus considèrent qu’il serait plus judicieux de confier cette responsabilité nouvelle à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie publique ou encore au Médiateur de la République, afin d’éviter des cellules trop complaisantes avec les auteurs putatifs de violences sexuelles, en raison de calculs ou d’interactions politiques.
Sans doute faudrait-il aller plus loin car la prise en charge des victimes en prévention tertiaire ne saurait tarir les causes de ces troubles profonds. L’employeur privé ne peut se contenter quant à lui d’une telle réponse, il doit chercher, selon la loi, à prévenir les risques à la source afin de les éradiquer ou de les réduire dans le cadre d’une action dite de prévention primaire. À l’Assemblée, l’une des difficultés résulte du mode d’organisation de l’activité parlementaire dont l’efficacité repose sur une myriade de petites entreprises. Chaque député intronisé par le suffrage universel – ils sont 577 élus pour cinq ans dans autant de circonscriptions – doit créer sa propre PME pour embaucher des attachés parlementaires affectés à sa circonscription ou au niveau national. Ces personnels sont liés par un contrat de droit privé au député-employeur qui s’inscrit dans le cadre du droit commun du travail et de la protection sociale.
Sur la dernière législature, 5894 collaborateurs parlementaires ont travaillé pour les députés. Chaque député est réputé connaître la loi, d’une part, et être un bon manager, d’autre part. Ce qui est loin d’être démontré si on considère les rotations dans l’emploi des attachés parlementaires. Pour accompagner la prévention de ces risques, rappeler les obligations du code du travail et préciser les sanctions encourues en cas de sexisme, de harcèlement ou d’agression sexuelle, une formation systématique de quelques jours pour chaque député, mais aussi pour l’ensemble des cadres administratifs de l’Assemblée, serait sans aucun doute utile. Cette formation serait précédée par un rappel à l’ensemble du personnel sur ces questions sensibles. Seul le groupe Europe-Ecologie-Les Verts a engagé à ce jour une formation de sensibilisation pour les membres de son groupe parlementaire.
Une autre question fondamentale est celle du contrôle en cas de suspicion de violences. Qui est en mesure de donner l’alerte ? Les collaborateurs parlementaires sont signataires d’un contrat dérogatoire au droit commun. Une clause de loyauté permet au député employeur de rompre sans justification et très rapidement la relation de travail. Cette précarité conduit les femmes concernées à accepter des situations délétères qu’elles auraient sans doute rejetées sans cette peur de perdre leur travail. La demande du collectif Chair Collaboratrice relayée par les députés était double : geler cette clause de loyauté en cas de dénonciation de harcèlement pour permettre la remontée des faits, et permettre la saisine du procureur de la République par la cellule d’écoute. Les avancées en prévention résultent souvent de la réflexion engagée sur les dérives. Si cette réflexion en boucles rétroactives ne peut se mener, alors on ne peut capitaliser en aval. Par là même, les corps intermédiaires que sont les organisations syndicales sont aussi entravés dans leur action de représentation et de défense : pour prévenir, il faut connaître et disposer de données. Les organisations syndicales en sont donc conduites à œuvrer en situation réactive, en curation des risques quand les préjudices surviennent, et non pas en prévention active. Sans doute des outils doivent-ils être encore affinés pour avancer en prévention.
Les élus de la nation ont démontré dans leur mobilisation plurielle pour appuyer la démarche des assistants parlementaires qu’ils savaient mettre entre parenthèses leur clivage idéologique pour agir contre les violences faites aux femmes. En cela ils ont été peut-être inspirés par les députés espagnols qui depuis 20 ans ont su se mobiliser de la même manière pour faire chuter le nombre de féminicides de 71 en 2003 à 40 en 2022. Ce qui a été réussi par-delà les Pyrénées grâce à un plan ambitieux et des moyens budgétaires conséquents, pourrait sans doute l’être en-deçà.
Source : Violences en vers les femmes : quand l’entreprise montre la voie au monde politique, Marianne, publié le 08/05/2023.