Résultats de l’Étude sur la Romance du Travail par le Groupe Technologia

L’amour au travail

Saint Valentin : près d’un Français sur deux a déjà

eu une relation amoureuse … au travail

Par Violaine des Courières

 

 

Recherche de l’âme soeur, effet #MeToo… : “Marianne” dévoile aujourd’hui les résultats d’une études inédite réalisée par le Cabinet Technologia et l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne sur la Romance au travail. Un sujet peu documenté jusqu’à présent mais qui concerne a concerné de près… 46% des salariés. La Fin de l’amour. Publié en 2020, cet essai de la sociologue Eva Illouz décryptait la marchandisation des sentiments amoureux par le capitalisme et, notamment, les applications de rencontre. Plus récemment, le 6 février 2024, l’Ifop dévoilait une étude titrée “La “sex récession” : les Français font-ils moins l’amour ?” et révélait qu’une proportion d’hommes et de femmes préféreraient jouer à un jeu vidéo ou consulter leurs réseaux sociaux plutôt que de s’abonner à une partie de jambes en l’air. Un tableau digne d’un roman de Michel Houellebecg. Concernant les relations amoureuses, en ces temps de Saint-Valentin – fête, la encore, commerciale, le climat est morose. Mais un espoir surgit de nulle part, et surtout dans des lieux qu’on n’attendait pas : les bureaux, les open spaces les salles de réunion, les couloirs d’entreprise et d’institution.

Ragots, Rumeurs et Jalousies

En effet, Marianne révèle en exclusivité les résultats d’une études du cabinet Technologia – spécialiste de la prévention des risques et de l’amélioration des conditions de travail – et de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne sur la romance au travail, un sujet très peu étudié par le passé. On y apprend que près d’un Français sur deux – 46% exactement a déjà eu une relation amoureuse au travail.

Et sur ce chiffre, 80% affirment que cette relation était sérieuse. Le bureau apparaît comme la première agence matrimoniale physique, après les cercles de rencontre amicaux et familiaux. C’est un des derniers endroits où il existe encore un brassage social permettant de rencontrer un personne issue d’un milieu différent du sien. De fait, au boulot, les personnes se voient tous les jours ou presque, à rebours du zapping des applications de rencontre.

Information au sein du groupe Lagardère, Christophe*, 49 ans, y a rencontré sa femme, Isabelle, avec qui il est en couple depuis une vingtaine d’années et pacsé depuis 2021 : “Je devais former les salariés sur leurs nouveaux outils de travail, et elle faisait partie de ces équipes. De fil en aiguille on a tissé un lien. Ensuite, on à déjeuné ensemble avec des collègues. J’ai pris son numéro de téléphone. On s’est donné rendez-vous en dehors du travail puis notre histoire a débuté !”.  

 

 

En agence média, Frédéric 52 ans, a eu un coup de foudre en 2004 alors qu’il participait à une série d’évènements festifs interprofessionnels. “Durant ces soirées professionnelles, on chantait et o, dansait. Lorsque j’ai parlé avec Patricia, cela a fait des étincelles et tout a commencé pour nous sur les Champs-Élysées avant la dernière soirée” s’enthousiasme-t-il. Dans la foulée, le couple s’est marié en 2005 et a eu deux enfants. Voilà vingt ans que cela dure.

À Paris, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Adrien* a été immédiatement séduit par Juliette* alors qu’il était interne dans un service de neurologie et qu’elle était stagiaire dans une profession paramédicale. Elle raconte : “Lorsque je suis arrivée dans la salle de staff où il faisait un topo en public pour présenter un patient, il m’a vue et m’a fait un clin d’oeil. Cela m’a immédiatement refroidie ! Mais, lorsque j’ai parlé seule avec lui, j’ai perçu une tout autre personnalité que celle que j’avais imaginée. Nous nous sommes revus trois mois plus tard et c’est là, sans la blouse blanche, que tout a débuté pour nous !” Le couple s’est marié en 2019 et a aujourd’hui trois enfants.

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Le lieu de travail est un espace de rencontre singulier parce que les couples qui s’y forment vivent le début de leur histoire en cachette, pour éviter que leurs collègues le sachent.

 

 

Pas facile de composer avec ces derniers à en juger par l’étude. Selon 89% des sondés, ces histoires génèrent tout un as de ragots et de rumeurs, ainsi que des jalousies et des coups bas de la part des “amoureux” en cas de rupture (88%).

 

 

Combien de pratiques de harcèlements et de dysfonctionnements managériaux s’imbriquent dans les problèmes de coeur conflictuels ? Si la plupart de ces relations sont sérieuses, d’autres ne durent qu’un soir, et certaines agissent comme des brise-couples, car c’est également au bureau que se nouent des relations extraconjugales. “J’ai vu un médecin s’afficher avec sa maitresse, une soignante? C’était le couple de l’hôpital, mais sa femme, elle, ne le savait pas”, rapporte en core Juliette.

MOEURS ET MENTALITÉS DIFFÉRENTES 

L’entreprise serait-elle devenue une esclave hermétique à la sex récession révélée par l’Ifop ? Certes, 17% de ceux qui ont déjà eu une relation amoureuse au travail, attestant que c’était une histoire purement sexuelle. Mais, sur ce sujet précis, les différences d’attentes entre les hommes et les femmes sont importantes. Par exemple, l’acceptation d’avoir des “relations sexuelles occasionnelles” avec des collègues fait l’objet d’un différentiel de 19 points entre les deux genres. “Ces statistiques rappellent que les mentalités des hommes et des femmes sont toujours très différentes et qu’ils n’ont pas le même degré d’acceptabilité concernant les actes, ce qui ouvre la voie à des malentendus. Or, dans les débats que nous avons aujourd’hui sur le harcèlement, sur l’emprise et sur les contraintes, c’est bien ce différentiel qui est en cause”, analyse Chloé Morin, politique, experte associée à la Fondation Jean-Jaurès, et auteure de Quand il aura vingt ans (Guyard).

 

 

De fait, cette dimension genrée apparait comme en décalage avec les discours. progressistes de responsabilité sociétale des entreprises. Ces différences se perçoivent déjà au quotidien, dans des gestes anodins : “Dans les médias, on se tutoie, on se tape dans le dis, on se fait la bise. Mais les jeunes femmes sont beaucoup plus distantes qu’avant. L’autre jour, j’ai touché le bras d’une copine, je me suis demandé si elle n’allait pas porter plainte !”, pointe encore Frédéric, qui voit la suspicion s’immiscer dans certaines relations de camaraderie. 

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De fait, le mouvement #Me Too imprègne les liens hiérarchiques en entreprise. La drague et les compliments peuvent vite déraper : quelque 8% des femmes déclarent avoir vécu ces situations comme une traumatisantes.

 

 

Si 84% des répondants jugent acceptable une romance avec un autre salarié, ils ne sont plus que 43% lorsque cette histoire se déroule entre une employée et un supérieur direct, ou l’inverse. Encore plus spectaculaire, la drague est acceptée à 70% entre collègues, mais seulement à hauteur de 31% lorsqu’il existe un lien de subordination direct. Les Français ne ressemblent pas encore aux Américains mais ils se montrent très chatouilleux quand les questions de hiérarchie se mêlent à celles du coeur. Le culte de l’égalité sans doute.

 

Comment #Me Too a changé les relations amoureuses au travail 

 

 

La séduction amoureuse n’a pas disparu en entreprise, mais le mouvement #Me Too a générée de nouveaux comportements et le rejet de certaines attitudes déplacées. 

Ce mercredi, certains fêteront la Saint-Valentin discrètement… au boulot. Selon l’étude “La romance au travail” du cabinet Technologia et de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne(*), 4,6% des répondants ont déjà eu une relation amoureuse au travail et 17% une histoire purement sexuelle. Difficile en effet de ne pas nouer des relations intimes dans un cadre où nous passons deux tiers de notre vie éveillée, analyse Jean-Claude Delgènes, président fondateur de Technologia : “Le travail reste un incubateur émotionnel, une source de relations importante.” D’ailleurs, pour plus de huit sondés sur dix, entretenir une relation amoureuse avec un collègue est tout à fait acceptable.Et si le fait d’avoir des rapports sexuels occasionnels avec un collègue est un peu moins bien toléré, presque six sur dix trouvent cela concevable.

Les relations avec un supérieur moins tolérées 

Reste que le mouvement #Me Too et la libération de la parole des femmes en matière de harcèlement sexuel a changé la donne dans les relations entre les hommes et les femmes au travail. Ainsi, plus d’un sondé sur deux trouve inacceptable d’entretenir une relation sentimentale avec un subordonné (53%) ou un supérieur direct (57%). Et 59% d’entre eux ne tolèrent pas l’idée d’être dragués par un subordonné et 65% par un supérieur direct. “Il y a un rejet de l’emprise, une volonté de rééquilibrage de la relations”, relève Jean-Claude Delgènes.

“Les femmes n’acceptent plus les commentaires graveleux” 

Ce mouvement a aussi influé sur la drague e entreprise : “On voit un effet #Me Too très net, car la séduction est tout à fait tolérée, mais à condition qu’elle ne soit pas lourdingue et qu’il y ait un consentement explicite, en particulier du côté des femmes”, note Jean-Claude Delègnes. Les commentaires sur les caractéristiques corporelles, qu’ils proviennent d’un collègue ou d’un supérieur, ne sont plus acceptés par l’écrasante majorité des répondants. Idem pour les contacts appuyés (bras autour du cou, main à la taille) qui sont massivement rejetés. “Les femmes n’acceptent plus certains regards, commentaires graveleux, attitudes sexistes. C’est l’effet de l’éducation de masse faite grâce à #Me Too“, commente le directeur de Technologia. Les salariés sont aussi davantage conscients des risques que comportent les tentatives de séduction quand seulement l’un des deux protagonistes en a envie. Car plus d’une femme sur cinq déclare avoir connu des situations de drague au boulot qui ont dégénéré. Des situations qui ne concernent que 8% des hommes. “D’où le souhait de 91% des répondants que leur entreprise sanctionne les agissements sexistes et le harcèlement sexuel. Mais sans pour autant qu’elle régule de manière trop drastique les relations qui relèvent de leur individualité. Ils sont contre une prohibition de la relation amoureuse au travail à l’américaine”, observe Jean-Claude Delgènes.

Sensibiliser aux risques salariés et cadres

Pour que les mentalités continuent à avancer, 62% des répondants souhaitent qu’une sensibilisation aux risques de dérives des romances au travail soit faite dans leur entreprise. “Il n’y a pas d’anticipation de ces situations en France par l’encadrement ou les services des ressources humaines. Pourtant, on pourrait mieux les réguler en informant mieux les salariés et en formant leurs managers”, insiste Jean-Claude Delgènes. Delphine Bancaud(*) Étude réalisée par Technologia et l’université Paris I, pour Marianne du 19 octobre 2023 au 8 janvier 2024 sur un échantillon de l 682 répondants, principalement des cadres, des professions intermédiaires et des employés.

 

 

“Se mettre en couple au travail est devenu plus compliqué”

Questions à Catherine Lejealle, Sociologue, chercheuse à l’ISC Paris, spécialiste des usages des nouvelles technologies.

 

 

Les rencontres au travail sont-elles fréquentes ? 

“Le nombre de personnes qui se sont rencontrés au travail est ce qui a le plus baissé au fil du temps, alors qu’en 1987, c’était le premier lieu de rencontres. Cela s’explique avec l’arrivée d’internet, mais il est également devenu plus compliqué aujourd’hui de se mettre en couple en entreprise parce que le climat est plus tendu, moins favorable à la rencontre amoureuse. On a peur de perdre sa place et on ne veut pas s’ajouter de potentiels conflits.”

Comment les modes de rencontre ont-ils alors évolué au fil du temps ? 

“L’arrivée des femmes dans le monde du travail a créer des occasions de rencontres, tout comme l’exposition du tourisme. Mais des études réalisées dans les années 2010 montrent l’importance d’internet et des applications dans la mise en relation. Au départ, il s’agissait de sites avec de nombreux échanges avant de se rencontrer puis est arrivé, en 2007, l’application “Adopt un mec”, créé pour répondre aux attentes des femmes et apporter de la confiance dans la mise en relation médiée. L’objectif de cette application était de leur redonner de pouvoir. En 2013, est arrivé “Tinder” qui base la rencontre sur la géolocalisation et met davantage en avant les photos. On considère aujourd’hui qu’il y a 1 200 sites et applications, dont certaines sont très spécialisées, par orientation politique, par pratique d’un sport…”

Les applications de rencontres ont-elles un impact sur la durée de la relation ?

“Non, Internet ne joue pas sur la durée de la relation amoureuse. Cela va surtout dépendre de l’âge. À 20 ans, sur Tinder, vous ne recherchez pas la personne avec qui faire votre vie. En revanche, si vous avez 28 ans et que vous avez envie de vous poser, les applications sont également un lieu de rencontre. Leur démocratisation à toutes les catégories socioprofessionnelles (CSP) et à tous les âges fait que les préjugés autour de la rencontre sur Internet ont disparu. À partir d’un moment, on oublie la façon dont on s’est rencontrés d’autant plus que le temps passé sur les applications est réduit. Le dévoilement et la rencontre se font davantage autour d’un verre. Elles ne servent qu’à permettre une mise en relation pour une rencontre très vite dans la vie réelle. Ceci apporte plus de naturel, permet de créer une petite mythologie du couple”.

Internet a-t-il permis un meilleur brassage social au sein des couples ?

“Le milieu social garde un rôle important au sein des couples. Cette homogamie qui aurait pu être remise en cause avec Internet ne l’a absolument pas été. Les gens font tout de même des choix sur l’application. On va chercher quelqu’un qui a plutôt le même niveau d’études et de salaire. Concernant la zone géographique, si on vit dans une zone peuplée, on sera peu enclin à rechercher des personnes loin de chez soi. En revanche, les personnes vivant dans des zones moins peuplées seront davantage obligées de faire des kilomètres pour trouver l’âme soeur.”

Si Internet ne joue pas sur la qualité et la durée de la relation, comment expliquer l’augmentation du nombre de divorce ? 

“Aujourd’hui, on a une exigence de bonheur. La vie est courte et on a envie de faire plein de choses. On n’a plus la patience d’attendre qu’une relation connaisse des phases d’éloignement. On veut quelque chose d’exceptionnel, réussir son couple. Le niveau d’exigence est monté du côté de chacun des partenaires. Puisque les femmes travaillent et sont financièrement autonomes, elles sont aussi plus libres et le divorce n’est plus mal perçu dans la société. Les jeunes qui se marient aujourd’hui savant que ce ne sera peut-être qu’une tranche de vie. Le mariage est une grande fête qui n’a plus la même valeur qu’autrefois. Ce n’est plus un point d’aboutissement mais un moment dans une trajectoire de couple.”

Propos recueillis par Alexandre Simard 

Zoom Ce que dit la loi 

 

 

En vertu du respect de la vie privée, l’employeur ne peut légalement s’opposer à la formation d’un couple au sein de l’entreprise. En effet, l’article L. 1132-1 du Code du travail interdit de sanctionner ou de licencier un salarier en raison de “sa situation de famille”. Les salariés en couple ne sont pas tenus de le communiquer à leur hiérarchie. Toutefois ils doivent veiller à ce que leur relation ne perturbe pas la vie de l’entreprise. Une sanction (ou un licenciement) pour un salarié tiré de la vie privée du salarié est autorisée lorsque le comportement du salarié a créé un “trouble caractérisé” préjudiciable à l’entreprise. À titre d’exemple, le comportement violent d’un salarié envers sa concubine, également salariée de l’entreprise, est constitutif d’un trouble caractérisé à l’entreprise, ce qui justifie donc son licenciement. L’employeur est en effet tenu à une obligation de prévention en matière de sécurité à l’égard de ses salariés. Une sanction pourrait également être prononcée à l’encontre d’un salarié qui dissimulerait sa relation amoureuse alors qu’il se trouve dans une situation de conflits d’intérêts. L’employeur se doit, en outre, de sensibiliser ses salariés sur le harcèlement et les agissements sexistes en entreprise. A.Si.

 

 

 

Témoignages / “Elle me lançait des phrases qui ne laissaient pas

de place au doute”

 

 

Une révolution sociétale. Le mouvement #Me Too a contribué à redéfinir les rapports entre les hommes et les femmes, y compris au travail. Depuis, certains hommes font beaucoup plus attention à leurs attitudes avec leurs collègues et proscrivent les rapports de séduction. Quitte à être un peu sur la défensive comme Nicolas, 42 ans : “Depuis #Me Too , on ne peut plus faire un compliment sans être mal vu ou repris, même si nos paroles sont respectueuses. Les amalgames sont devenus exagérés”, estime-t-il. Plus que jamais, Bastien, 39 ans, qui est délégué du personnel, s’interdit toute relation amoureuse au travail : “Pour moi, ce n’est pas un lieu de rencontre et cela peut amener à de sérieuses dérives si la relation vient à se terminer. Et on peut se demander si les directions d’entreprise prennent réellement ce problème au sérieux.” Mais pour d’autres, le mouvement de libération de la parole n’a pas eu réellement d’impact sur leur vie sentimentale, y compris au boulot. Car ils ont l’impression d’avoir toujours été respectueux des femmes. “#Me Too n’a jamais fait partie de ma réflexion avant de draguer au travail”, explique ainsi David, 31 ans.

“Personne n’en a jamais rien su” 

Mais avant de se lancer dans une phase de séduction, il s’est assuré que sa future copine était sur la même longueur d’onde : “Elle me lançait pas de place au doute. Et avant de lui proposer un rendez-vous, on s’est avoué notre crash (notre sentiment, NDLR) commun par écrit. Une façon pour moi d’être certain de son consentement pour aller plus loin”, explique t-il. #Me Too, n’a pas non plus freiné l’envie de rencontres de Fred, 50 ans, qui a connu deux histoires d’amour au travail : “L’une était à mon niveau hiérarchique, l’autre pas”, raconte-t-il. S’il explique n’avoir pris aucune précaution particulière avant de se lancer, il souligne cependant que “la question du consentement mutuel est désarmais encore plus essentielle et n’est plus implicite.” Reste qu’une fois la relation installée, Fred a dû faire preuve de discrétion pour éviter toute dérive au bureau : “Personne n’en a jamais rien su. Et ce n’était pas toujours facile de devoir sans arrêt surveiller mon regard, mon langage, ma manière d’être et mes réactions lorsque des collègues discutaient de mon amoureuse.” David a dû aussi taire ses sentiments dans l’open space. “Une discrétion légendaire nous a accompagnés. Et comme nous sommes tous les deux très sociables au sein de l’entreprise, le fait de se parler souvent n’était pas si étrange que ça. Mais au bout de six mois de vraie relation, tout le monde l’a su”, qui a rencontré son conjoint aide-soignant, a eu plus de difficultés quand sa relation a été connue de tous : Ça a été compliqué : cela a provoqué des jalousies et les collègues étaient moins joviales. Ne leur en déplaise ! Plusieurs années après, nous avons deux enfants et une vie formidable et je suis plus amoureuse que jamais.” Delphine Bancaud

 

 

 

 

 

 

L’amour au travail 

 

 

Jean-Claude Delgènes : “Le bureau est un puissant incubateur émotionnel”

Propos recueillis par Violaine de Courières

 

46% des salariés français ont déjà eu une relation au travail : c’est l’enseignement d’une étude inédite réalisée par le cabinet Technologia et l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne. Rencontre avec Jean-Claude Delgènes, le président du cabinet.

 

Marianne : Votre cabinet est une référence dans la gestion des risques et l’amélioration des conditions de travail, un sujet éloigné de la romance au travail. Pourquoi avez-vous voulu réaliser cette étude ? 

Jean-Claude Delgènes : Notre cabinet réalise environ 300 études par an. Dans ce cadre, nous voyons les conséquences managériales des recrutements sentimentaux, des promotions préférentielles. Tout cela produit des dysfonctionnements. De plus, les émotions des salariés ont un impact au quotidien : lorsqu’il y a une rupture amoureuse sur le lieu de travail, cela a des conséquences.

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La personne peut être dans un état de sidération, d’autant plus quand elle continue à être en proximité avec l’autre personne dans son travail. Elle peur commettre des erreurs professionnelles ou se mettre en danger. Dans les petites entreprises, les couples associés déposent souvent le bila lorsqu’ils se séparent.

Êtes-vous étonné par les chiffres de cette enquête ?

Le bureau est un puissant incubateur émotionnel, et nous l’observions déjà. Les jeunes générations y nouent des amitiés, en se voyant souvent après le travail. Beaucoup se marient après une rencontre. La nouveauté est l’impact de #Me Too sur les liens hiérarchiques.

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Dans l’enseignement, l’édition, divers secteurs, du point de vue des femmes, il y a eu des phénomènes de croyance de relations amoureuses, alors que cela ne l’était pas. Ces révélations entraînent une forme d’écoeurement. Si nous avions réalisé cette étude il y a une dizaine d’années, nous n’aurions pas obtenu les mêmes résultats.

La tyrannie du court terme et la novlangue managériale ne représentent-elles pas un tue-l’amour dans certaines structures ? 

En étudiant certaines entreprises, je perçois une forme de glaçage émotionnel à travers les visages de cire et les sourires crispés. Ces groupes sont régis par une forme de direction par les objectifs, imposant de ne pas avoir d’états d’âme lors d’un licenciement par exemple.

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Or, c’est justement la dimension émotionnelle, la pâte humaine qui génère la joie de se retrouver entre collègues. Le Partage avec ses pairs est une des triples dimensions du sens au travail. Nous militons pour la prise en compte de toutes ces émotions dans le cadre d’un management éclairé et bienveillant.

 

Veuillez retrouver le fichier de l’étude : “La Romance au Travail” sur le lien ci-joint :  LA ROMANCE AU TRAVAIL_240126_15h27

 

 

 

Enquête Great Place to Work : dans la tête des salariés français en 2024

 

Enquête Great Place To Work : dans la tête des salariés français en 2024. 

 

Méthodologie de l’enquête 

 

 

 

2024, l’évidence s’impose à nous : le changement n’a pas de début et surtout pas de fin, il fait partie intégrante de la vie des organisations comme des individus.

Il prend de nombreuses formes et fat de l’accompagnement du changement un priorité pour des DRH.

Or 69% d’entre eux seulement déclarent avoir été informés des projets de transformation et les avoir compris, et à peine plus de la moitié (51%) ont été associées à leur mise en place. Les managers de proximité jouent également un rôle clé face à ces défis. Faut-il encore qu’ils en comprennent bien les objectifs (68% à date) et soient associés à leur mise en place (55% à date).

Pour y parvenir, une clé : la confiance. 

Confiance des collaborateurs vis-à-vis de leur organisation, grâce à une communauté managériale et à un cadre rassurant.

Confiance mutuelle entre les collaborateurs via l’association des parties prenantes aux projets de changement.

Et confiance en l’avenir en construisant une dynamique collective porteuse de sens. Focus sur les 6 grandes transformations qui traversent aujourd’hui le métier des RH.

La donnée clé 

61% des salariés français estiment que leur entreprise ne fait rien, ou juste des actions cosmétiques dans le domaine de la QVT.

Insight #1

La santé mentale des travailleurs au coeur des préoccupations. 

La santé mentale est le premier risque lié au travail… et les entreprises n’en sont qu’au début de leur prise de conscience.

#1 La Santé mentale

La donnée clé 

56% des salariés français estiment avoir une bonne santé mentale. Et 35% déclarent avoir des hauts et des bas.

 

 

 

 

 

 

Les 3 risques du travail les plus importants identifiés par les Français sont liés à leur santé mentale.

 

 

Impact su Travail sur la santé mentale selon l’âge 

Les jeunes entre 15 et 24 ans sont la population la plus fragilisée en termes de santé mentale. Pour autant, ce sont les seniors qui perçoivent le moins positivement l’impact de leur activité professionnelle sur leur santé mentale.

 

 

 

 

 

 

Impact du travail sur la santé mentale selon le genre 

Les femmes sont en retrait sur leur perception de leur santé mentale, et en particulier les femmes seniors.

A noter : l’écart s’accentue encore si elles ont un statut de salariée non-manager.

 

 

Impact du travail sur la santé mentale selon le niveau de management. 

Les non-managers, mais aussi les DRH, sont particulièrement fragilisés en termes de santé mentale.

Perception de la prévention de la santé mentale selon l’âge

Si les seniors considèrent que leur activité professionnelle n’impact pas positivement leur santé mentale, c’est en partie lié à un manque d’actions concrètes de prévention et de soutien déployées par leurs employeurs.

 

 

 

 

 

Perception de la prévention de la santé mentale selon le niveau managérial 

On observe un désalignement entre les managers et les collaborateurs : soit les managers sont trop optimistes (dispositifs de prévention pas adaptés ou pas assez robustes), soit les non-managers ne les connaissent pas.

 

 

 

 

 

 

 

Insight #2 

Gérer le grand écart entre besoins individuels et nécessité du collectif.

Les Français attendent de la flexibilité pour répondre à leurs besoins individuels, mais aussi du collectif pour apprendre et maintenir la convivialité.

#2 Individu / Collectivité 

La donnée clé 

55% des salariés français déclarent que leur expérience actuelle de télétravail répond aussi bien à leur besoin d’équilibre pro-perso qu’au besoin de performance de leur entreprise.

La donnée clé 

44% des salariés français peuvent télétravailler lorsqu’ils ou elles le jugent nécéssaire.

Les 3 grandes opportunités du travail 

Identifiées par les Français sont liées à la QVT, avec la flexibilité du temps de travail en haut du podium.

 

 

 

 

73% des salariés français sont intéressés par la semaine de 4 jours. Ce constat est partagé par les salariés quel que soit : 

Les managers sont aussi intéressés 

Seriez-vous intéressé(e) par la perspective de passer à la semaine de 4 jours ?

Les respect de l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle est le 3e facteur (ex aequo avec l’intérêt des missions) qui amènerait les salariés français à quitter leur entreprise, après la rémunération et le sens du travail. 

54% des salariés français déclarent que leur entreprise les encourage à conserver un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée.

Les attentes liées au collectif et à la convivialité au travail restent très importantes, en parallèle de celles liées au respect des besoins individuels. C’est cet équilibre entre flexibilité et maintien du collectif qui permettra aux salariés de se sentir bien au travail.

Les 3 aspects du travail les plus importants

La convivialité est dans le top 3, juste derrière le sens : ce classement montre bien l’importance de l’enjeu du collectif au travail.

 

 

 

Les non-managers sont en attente de convivialité 

Les répondants non-managers ont une perception moins positive sur les questions liées à la convivialité : c’est donc un enjeu important à traiter pour les entreprises.

 

 

 

 

 

 

Insight #3

Les Français vieillissent : et si c’était une bonne nouvelle pour les entreprises ? 

Les stéréotypes liés à l’âge doivent être déconstruits pour donner toute leur place aux seniors dans les organisations.

#3 Seniors

La donnée clé 

55% des salariés français s’estiment traités équitablement quel que soit leur âge.

 Perception du traitement équitable selon l’âge 

Les seniors ont l’impression de ne pas être traités différemment selon l’âge : ce sont d’ailleurs plutôt les plus jeunes (15-24 ans) qui s’estiment discriminés sur ce critère.

 

 

 

Les seniors sont délaissés par leur management. 

Cependant, dans les faits, les seniors subissent un délaissement managériale : les chiffres montrent que les entreprises n’investissent pas sur l’employabilité des plus de 55 ans, en particulier lorsqu’ils n’ont pas de statut manager. 66% des seniors n’ont pas acquis de nouvelles compétences en 2023 contre 47% des Français.

Les seniors bénéficient peu de formations.

Qu’il s’agisse de formations en ligne, en présentiel ou juste de l’identification des besoins, plus l’âge avance et plus la perception est négative.

 

 

 

 

 

Les seniors sont peu accompagnés par leurs managers.

Les feedbacks et entretiens individuels se raréfient chez les salariés les plus seniors, avec une baisse qui s’intensifies radicalement entre 45 et 54 ans.

Conséquences ? 

Les plus de 55 ans perdent confiance dans leur employabilité. Pour eux, apprendre n’est pas un facteur d’employabilité.

27% des plus de 55 ans déclarent avoir besoin de monter en compétences au cours des cinq prochaines années (contre 51% de Français en moyenne).

9% des plus de 55 ans seulement considèrent qu’apprendre leur permettra d’être plus attractifs sur le marché de l’emploi.

Pourtant, plusieurs facteurs pourraient les motiver à apprendre et à monter en compétence, faisant des séniors une ressource clé dans les organisations.

60% des plus de 55 ans déclarent apprendre davantage lors d’occasions informelles et d’échanges que lors d’occasions formelles (contre 51% des Français).

 

Les seniors le sens de l’entreprise : 

C’est la seule population qui souhaite se former d’abord pour la qualité de leur travail avant de penser à leurs compétences individuelles.

La donnée clé 

40% des salariés français sont satisfait.es de l’accompagnement des seniors dans leu entreprise.

 

 

 

 

 

Préserver la capacité d’adaptation et la flexibilité des seniors.

A partir de 45 ans, la perception de l’accompagnement des seniors devient moins positive chez les salariés français : plus on se rapproche du statut de “senior’, plus on prend conscience de l’absence de dispositifs et d’accompagnement.

 

 

 

 

 

 

 

Insight #4

L’IA prend son envol… mais les Français ne sont pas prêts. 

L’IA transforme le travail, mais les Français ne se sentent pas encore suffisamment équipés.

#4 L’IA

La donnée clé

21% des salariés français estiment avoir un bon niveau de connaissance sur l’IA et ses impacts sur le travail.

Le niveau de connaissance des enjeux liés à l’IA dégringole avec l’âge…

Néanmoins, la perception des jeunes reste elles aussi extrêmement faible.

 

 

 

 

Une Transformation digitale qui mobilise tout le monde. 

Globalement, les salariés français sont engagés dans la transformation digitale de leur entreprise quel que soit leur âge : contre toute attente, les plus jeunes ne sont pas forcément les plus à l’aise.

Risque 

19% des salariés français perçoivent l’intelligence artificielle comme le plus gros risque lié au travail à l’heure actuelle.

Opportunité 

15% des salariés français considèrent l’intelligence artificielle comme l’une des plus grandes opportunités pour le futur du travail.

Les 3 grands avantages de l’IA selon les DRH. 

La productivité est au coeur des avantages identifiés, mais l’IA présente aussi des opportunités en termes de développement des compétences.

 

 

 

 

 

 

 

Insight #5

La RSE se fait sa place dans les entreprises. 

La RSE est devenue incontournable pour les Français. Les DRH en ont conscience mais les résultats ne sont pas encore à la hauteur.

#5 RSE

La donnée clé.                                                               

70% DRH se sentent concernés par la RSE.            vs               56% salariés français se sentent concernés par la RSE.

 

 

 

Le sens au travail : dans le top 3 des aspects les plus importants.

Chez les cadres de + 55 ans, le sens passe en première position et constitue de ce fait un réel levier d’engagement.

 

 

Quel est le rôle des entreprises dans la démarche RSE selon les salariés français ? 

81% pensent que les entreprises ont un rôle à jouer pour rendre la société meilleure. 77% estiment que la définition d’une mission ou de valeurs est importante pour une entreprise. 49% indiquent que l’engagement RSE de leur entreprise est suffisant (43% des DRH partagent ce point de vue).

Cohérence de la démarche RSE de l’entreprise. 

41% déclarent que leur équipe agit en cohérence avec les enjeux RSE.  42% déclarent que leur activité est cohérente avec leurs engagements RSE.

Communication de la démarche RSE de l’entreprise. 

45% déclarent que leur politique éthique est clairement communiquée. 41% déclarent la communication interne sur la stratégie RSE est claire.

Ambition de la démarche RSE de l’entreprise. 

44% déclarent que le management s’efforcer de de concilier responsabilité économique et responsabilité sociale. 41% déclarent que leur organisation déploie une politique RSE qui répond aux enjeux du secteur. 40% déclarent que leur organisation est engagée dans une politique de lutte contre le changement climatique.

Association des collaborateurs à la démarche RSE. 

52% pensent être suffisamment associés à la réalisation de la démarche RSE. 42% déclarent que l’engagement RSE de l’organisation les encourage à faire évoluer leur propre comportement.

Engagement des collaborateurs à la démarche RSE. 

19% indiquent que la quête de sens les amènerait à quitter leur entreprise ; en 2e position derrière la rémunération (29%). 40% déclarent que la démarche RSE de l’organisation est pour eux une source de fierté. 37% déclarent que les actions RSE de l’organisation les motivent dans leur travail.

 

 

Insight #6.

Une nécessaire résilience économique. 

Dans un contexte économique de plus en plus difficile, la perception des Français stagne. Les efforts sont à poursuivre.

#6 Résilience 
Rémunération et partage des bénéfices : 

On observe très peu ou pas d’évolution. Entre 2023 et 2024, la perception des Français stagne.

43% des salariés français se sentent rémunérés à leur juste valeur (-1 point par rapport à 2023). 39% des salariés français déclarent que le partage des bénéfices est équitable dans leur entreprise (même score qu’en 2023).

Confiance envers le management. 

60% des salariés français estiment que l’entreprise ne licencierait qu’en dernier recours. 44% des salariés français déclarent que leur management s’efforce de concilier responsabilité économique et responsabilité sociale.

Perception différente selon le statut managérial. 

Il existe un désalignement dans la perception de l’équité entre les CODIR / managers intermédiaires et le reste de l’entreprise.

 

 

 

 

Les crises géopolitiques et inflationniste ont très peu impacté la perception des Français, laissant encore une marge de progression importante pour les entreprises.

 

 

 

 

 

Les Populations non-managers ont une perception significativement plus négative de leur rémunération et du partage des bénéfices, et se sentent également plus en risque.

 

 

 

 

 

 

 

Vous venez de prendre connaissance des résultats de notre enquête Great Insight 2024, pour laquelle nous avons interrogé 4000 actif.ves français.es.

Ressources complémentaires 

Guide “3 moyens d’action face à l’inflations”

Guide “Prenez-vous soin des seniors dans votre organisation ?”

Les megatrends RH 2024 by UKG

 

 

 

 

Si vous voulez plus : contactez-nous !

Rédaction & Conception

Marine Bernard, consultante senior

Camille Denaeyer-LeFloch, responsable marketing 

Sarah Ferry, directrice communication & marketing

 

Découvrez le rapport d’Atradius sur les perspectives économiques

 

Spécialiste des services d’assurances crédit

 

Atradius, principal fournisseur mondial de services d’assurance-crédit commercial, de cautionnement et de recouvrement de créances, vient de publier les résultats de son étude sur les tendances économiques. Téléchargez l’étude ici : Atradius-Economic-Research-Economic-Update-February-2024

Résumé

  1. Mondial – L’économie mondiale continue de s’essouffler comme par le passé le resserrement monétaire se fait de plus en plus sentir. Mais comme l’inflation a passé son pic sur la plupart des marchés, les perspectives sont plus solides que prévu. Les tensions géopolitique présentent des risques croissants à la baisse.
  2. Zone euro – Les chiffres récent du PIB montrent que l’activité économique reste faible dans les secteurs intérieur et extérieur. Malgré quelques hausses de l’inflation ces derniers mois, le processus désinflationniste sous-jacent reste en place. La BCE ne devrait pas augmenter ses taux d’intérêt au-dela des niveaux actuels, mais elle hésitera à commencer à les assouplir trop tôt.
  3. États-Unis er Royaume-Uni – L’économie américaine a passé les attentes en 2023 et nous prévoyons un ralentissement progressif de la croissance en 2024. Le Royaume-Uni, en revanche, a presque stagné en 2023 et est confronté à une nouvelle année de croissance atone. Du côté positif, l’inflation a fortement diminué sur les deux marchés, augmentant la probabilité d’une baisse des taux d’intérêt avant l’été aux États-Unis et Royaume-Unis.
  4. Marchés émergents – Nous prévoyons que la croissance des EME restera à la vitesse inférieure en 2024, l’Asie émergente étant en tête des autres régions, tandis que l’Amérique latine est à la traîne.
  5. Crédit et insolvabilités – Pour 2024, nous prévoyons toujours une augmentation du niveau mondial d’insolvabilité, mais à un rythme inférieur à celui de l’année dernière. Alors que l’insolvabilité sur de nombreux marchés se rapproche du niveau d’avant la pandémie, l’augmentation de l’insolvabilité en 2024 est relativement contenue.

 

Économistes 

                                                                                                                          Dana Bodnar, économiste                       Theo Smit, économiste principal

                                                                                                              dana.badnar@atradius.com                     theo.smid@atradius.com

                                                                                              +31 20 533 3165                                           +31 20 533 2169

 

Ralentissement de la croissance mondiale mais récession à éviter

 

 

La croissance économique mondiale s’essouffle mais nous ne prévoyons pas de récession en 2024. Après 2,7% en 2023, l’économie mondiale devrait connaître une croissance de 2,4% en 2024, le resserrement monétaire passé pesant sur la demande. Les risques géopolitiques, notamment liés à la guerre entre Israël et le Hamas, ainsi qu’a la guerre russe en Ukraine et à la rivalité entre les États­Unis et la Chine, pèsent sur les perspectives. Des conditions de financement plus strictes, une demande plus faible et des chaînes d’approvisionnement plus fluides contribuent à une baisse de l’inflation dans les économies avancées, augmentant ainsi les perspectives de normalisation de la politique monétaire au second semestre 2024. En tant que telle, l’économie mondiale semble être sur la bonne voie pour un atterrissage en douceur, mais le La voie à suivre sera difficile compte tenu du retrait du soutien budgétaire et des niveaux d’endettement élevés qui pèsent sur l’activité économique.

Le ralentissement de la demande mondiale et la croissance économique ont également entraîné un déclin du commerce international. Le commerce mondial a chuté de 2,5 % sur un an en novembre 2023, la faiblesse de la demande chinoise contribuant à une récession manufacturière en Europe. De plus, la baisse de la demande de produits chinois en Europe et aux États­Unis frappe encore davantage les fabricants chinois. Mais la dynamique devient déjà positive et nous prévoyons une croissance du commerce mondial de 2,5 % en 2024. Cette année, la croissance du commerce sera favorisée par une désinflation plus poussée et par le resserrement monétaire, qui contribueront à renforcer le pouvoir d’achat des consommateurs et faciliteront l’accès au financement et au crédit. Le stress de la chaîne d’approvisionnement provoqué par la pandémie a été en grande partie résolu, mais la récente hausse des coûts de transport suite aux attaques des rebelles houthis en mer Rouge persistera dans les mois à venir et présente un risque de baisse pour les perspectives commerciales.

L’incertitude géopolitique constitue un risque majeur pour les marchés de l’énergie et pourrait contribuer à la volatilité des prix du pétrole jusqu’en 2024. Le prix du pétrole est resté autour de 80 USD le baril de Brent jusqu’à présent cette année. Ceci malgré la baisse des quotas de production de l’OPEP+, de nouvelles réductions volontaires de la part de l’Arabie Saoudite et de la Russie et la perturbation des routes maritimes de la mer Rouge. L’augmentation de la production américaine a contribué à compenser cette perte d’approvisionnement et les prix resteront probablement contenus autour de ce niveau étant donné la baisse de la demande mondiale de pétrole dans un contexte de ralentissement économique. Cela devrait contribuer à maintenir les prix relativement stables, en moyenne juste au­ dessus de 80 USD le baril, mais le risque d’un choc à la hausse dû à une escalade du conflit au Moyen­Orient ou à de nouvelles perturbations des chaînes d’approvisionnement énergétiques persiste.

 

La reprise de la zone euro devrait repartir d’un niveau bas

 

 

Selon l’estimation flash publiée par Eurostat, le PIB de la zone euro est resté stable au quatrième trimestre 2023, après une baisse de ­0,1 % au troisième trimestre. Même si la répartition du PIB pour le quatrième trimestre n’est pas encore disponible, il est probable que la faiblesse reste généralisée dans les secteurs intérieur et extérieur. En Allemagne, le plus grand État membre de la zone euro, le PIB a diminué de 0,3 % au quatrième trimestre 2023. Des enquêtes récentes indiquent que la reprise attendue cette année partira d’un niveau bas et qu’elle ne s’est pas encore accélérée. Cependant, certains signes indiquent que le pire pourrait être passé et que la dynamique s’est stabilisée plutôt que détériorée. En décembre, l’indicateur du climat économique (ESI) s’est amélioré pour le troisième mois consécutif, atteignant une valeur de 96,2. Celui­ci reste inférieur au niveau neutre de 100. L’indice des directeurs d’achat (PMI) s’est également légèrement amélioré ces derniers mois, à 47,9 en décembre, mais reste en dessous du niveau neutre de 50. Nous prévoyons une maigre croissance du PIB de 0,6% en 2024, suivie par une croissance un peu meilleure en 2025 (1,8%).

La tendance à la baisse de l’inflation s’est soudainement arrêtée en décembre 2023, lorsque l’inflation de l’IPC est passée de 2,4 % en novembre à 2,9 %. En janvier 2024, il était en légère baisse, à 2,8 %. Nous pensons que la hausse de l’inflation était temporaire car elle était principalement due aux effets de base énergétique en Allemagne. Les mesures sous­jacentes de l’inflation suggèrent que le processus désinflationniste reste en place. L’inflation sous­jacente (hors énergie et alimentation) a continué de baisser ces derniers mois, pour atteindre 3,3 % en janvier. Le taux d’inflation de la zone euro projeté par Oxford Economics est de 1,6 % en 2024, mais cela semble un peu optimiste. La BCE n’a pas introduit de nouvelles hausses de taux d’intérêt après septembre 2023. Elle estime que les taux d’intérêt ont atteint des niveaux qui, s’ils sont maintenus suffisamment longtemps, sont suffisants pour ramener l’inflation à son objectif. Des données récentes montrent que le resserrement monétaire a un effet sur la disponibilité du crédit. L’enquête de la BCE sur les prêts bancaires du premier trimestre 2024 a de nouveau souligné un durcissement des conditions d’octroi des prêts aux entreprises et à la consommation.

Le marché du travail reste tendu, malgré un récent ralentissement. Le dernier chiffre du chômage (6,5% en octobre) reste très bas. Les salaires ont fortement augmenté au cours de l’année écoulée, les salariés tentant de rattraper la perte de pouvoir d’achat. La croissance des salaires s’est accélérée en 2023 alors que les salariés tentaient de rattraper la perte de pouvoir d’achat. La croissance des salaires négociés a augmenté jusqu’en 2023 pour atteindre 4,7 % au troisième trimestre, ce qui est considérablement plus élevé qu’au quatrième trimestre 2022 (3,1 %). Alors que l’inflation a continué de baisser au dernier trimestre 2023, la croissance des salaires réels pourrait très bien devenir positive au quatrième trimestre 2023. Cela nous amène à penser que le pouvoir d’achat des consommateurs s’améliorera légèrement en 2024.

 

Un changement de politique monétaire aux États-Unis

et au Royaume-Uni apparait 

 

 

 

L’économie américaine a abordé la nouvelle année sur des bases relativement solides. Après une croissance annualisée colossale de 4,9% enregistrée au troisième trimestre, le PIB américain a encore augmenté de 3,3% au quatrième trimestre. Ce chiffre préliminaire montre que l’économie américaine reste résiliente et continue de dépasser les attentes des prévisionnistes, portant la croissance estimée pour l’ensemble de l’année à 2,5%. L’impact cumulé du resserrement monétaire passé, des conditions de prêt moins accommodantes, du resserrement de la politique budgétaire et de l’incertitude politique accrue pèsent tous sur les perspectives pour 2024. Mais le ralentissement sera progressif, ramenant la croissance à 2,3% en 2024. Le ralentissement de l’inflation es au coeur des perspectives de plus en plus favorables : l’indice des dépenses de consommation personnelle de base a augmenté de 2,9% sur un an en décembre. Même si elle reste élevée, l’inflation poursuit sa trajectoire descendante vers l’objectif de 2% de la Fed. Cela représente un soulagement pour les consommateurs, encore aidé par un marché du travail toujours tendu, avec une croissance des salaires nominaux s’établissant à 4,8% au cours de la même période. Cela offre également aux décideurs de la Fred plus de flexibilité pour réduire les taux d’intérêt le plus tôt possible, réduisant ainsi la probabilité d’une récession. Nous prévoyons que la Fed plus de flexibilité pour réduire les taux d’intérêt le plus tôt possible, réduisant ainsi la probabilité d’une récession. Nous prévoyons que la Fed abaissera ses taux de la fourchette cible actuelle de 5,25% à 5,5% pour la première fois en mai.

Le Royaume-Uni, en revanche, est dans une situation économique beaucoup plus faible. Les estimations de croissance du PIB pour les deuxième et troisième trimestres 2023 ont été révisées à la baisse, montrant une croissance stable d’un trimestre à l’autre au deuxième trimestre et une contraction au troisième trimestre. Il est probable que la performance du quatrième ait également stagné, ramenant la croissance sur l’ensemble de l’année à seulement 0,3%. L’inflation annuelle est tombée à 4,2% en novembre et décembre, contre 4,7% en octobre. La désinflation est alimentée par de fortes baisses des prix de gros du pétrole et du gaz ainsi que par une inflation des services plus faible que prévu. Cela soulagera les consommateurs britanniques de la crise du coût de la vie et entraînera également un changement de politique monétaire plus précoce que prévu. Nous prévoyons que la Banque d’Angleterre commencera également à réduire sont taux d’escompte en mai. L’impact positif de l’assouplissement monétaire ne se fera sentir qu’en 2025, alors que les paiements d’intérêts sur la dette augmenteront cette année par rapport au précédent resserrement.

La croissance sera encore davantage mise à rude épreuve par une politique budgétaire restrictive et la faiblesse des exportations à mesure que de nouveaux contrôles aux frontières entre le Royaume-Uni et l’UE entreront en vigueur. Nous prévoyons une croissance de seulement 0,6% du PIB réel du Royaume-Uni en 2024.

Les perspectives des EME divergent 

 

 

Les perspectives des économies de marché émergentes (EME) sont en moyenne meilleures que celles des économies avancées, mais elles restent faibles par rapport aux normes historiques. Nous prévoyons que la croissance du PIB restera à un rythme inférieur, à 3,6% cette année et à 3,8% en 2025, en raison de la faiblesse de la demande extérieure et du resserrement des conditions de financement mondiales. Sous ce chiffre global se cache une hétérogénéité considérable. Derrière les chiffres clés se cache une hétérogénéité considérable. L’Asie émergente devrait à nouveau dominer les autres régions en termes de PIB, même si la croissance est modérée d’un point de vue historique. L’Amérique latine, aux prises avec des faiblesses structurelles et des incertitudes politiques, sera à la traîne par rapport aux autres régions, notamment en 2024.

La croissance dans les pays émergents d’Asie devrait ralentir à 4,6% en 2024 et rester modérée à 4,5% en 2025. Les chiffres du PIB chinois du quatrième trimestre 2023 suggèrent que le creux cyclique est probablement derrière nous, même si les indicateurs de sentiment, tels que la confiance des consommateurs, continuent de osciller à des niveaux record. Les taux de croissance pour 2024 devrait être de 4,5%. Le gouvernement et la banque centrale mettent en oeuvre des mesures de relance ciblées. Le secteur immobilier reste le plus grand risque pour l’économie chinoise et les investissements immobiliers sont toujours en déclin. En Inde, l’affaiblissement de l’environnement commercial et l’effet différé du resserrement monétaire antérieur ramèneront la croissance à 5,7% en 2024.

Nous prévoyons que la croissance du PIB déjà faible en Amérique latine ralentira à 0,7% en 2024, avant de rebondir à 2,5% en 2025. Alors que la régions reste à la traîne des autres régions EME en termes de croissances du PIB, sa résistance aux chocs s’est considérablement améliorée. Cela est dû en grande partie aux améliorations apportées à l’élaboration des politiques, visibles dans l’approche proactive de la région en matière de resserrement de la politique monétaire. Les perspectives du PIB du Brésil sont très faibles, avec une croissance prévue de seulement 0,4% en 2024. Le ralentissement économique est principalement dû à l’impact décalé d’une politique monétaire restrictive. Mais il existe un potentiel de croissance considérable si les baisses de taux d’intérêt de la banque centrale ont un effet sur l’économie plus rapidement que prévu. Le Mexique a surperformé ses pairs régionaux l’année dernière, mais la croissance devrait ralentir à 1,9% en 2024 en raison d’une demande extérieure plus faible et d’un soutien moindre des projets d’infrastructure du gouvernement. Alors quel le marché du travail est tendu, soutenant la consommation intérieure, les secteurs du commerce de détail et du tourisme se ralentissent.

Les perspectives économiques de lEurope de l’Est restent assombries par la guerre en ter la Russie et l’Ukraine. Malgré les sanctions occidentales massives, la Russie a réussi à maintenir une croissance positive du PIB en 2023. Pour 2024, un certain ralentissement de la croissance du PIB est attendu, à 2,3%, mais la Russie continue d’exporter de grandes  quantités de pétrole, qui soutiennent la croissance. La banque centrale poursuit une politique monétaire très restrictive pour éviter un affaiblissement du rouble. En Turquie, la politique a évolué vers une position plus orthodoxe après la réélection du président Erdogan. La résurgence de l’inflation et la poursuite des hausses des taux d’intérêt pèsent sur la confiance et la demande intérieur. Nous prévoyons une croissance limitée du PIB de 1,0% en 2024.

Les faillites augmentent encore en 2024, mais à un rythme moindre

 

Les faillites ont continué d’augmenter en 2023, portées par la normalisation après la pandémie et la faillite d’entreprises zombies. La suppression progressive des mesures de soutien budgétaire et la levée des modifications temporaires de la législation sur l’insolvabilité ont fait grimper le niveau d’insolvabilité sur la plupart des marchés. Le niveau moyen d’insolvabilité selon les pays est déjà supérieur à celui de 2019, mais les pays se trouvent à différents stades du processus d’ajustement. Certains dépassent le niveau d’avant la pandémie, tandis que d’autres sont encore en train de s’adapter.

La majorité des pays ont connu une augmentation des cas d’insolvabilité en 2023. Les taux de croissance l’insolvabilité les plus élevés ont été observés en Corée du Sud (65%), aux Pays-Bas (48%), en Australie (42%), au Canada (41%), et aux États-Unis (40%). Il existe également des marchés où la croissance des insolvabilités est plus stable, voire négative, en 2023. Dans ces pays, le niveau d’insolvabilité a déjà augmenté en 2022, parfois même au-dessus du niveau de normalité (de 2019). Les pays qui ont connu une baisse des faillites en 2023 sont l’Afrique du Sud (-13%), le République tchèque (-6%) et la Suisse (-1%). En outre, plusieurs pays présentaient une situation d’insolvabilité stable, notamment le Danemark, l’Allemagne, le Brésil et la Roumanie (la stabilité est définie comme une évolution de l’insolvabilité comprise entre -10% et +10%). Les données pour 2023 sont encore incomplètes pour l’Espagne, l’Italie et le Portugal.

Pour 2024, nous prévoyons toujours une augmentation des cas d’insolvabilité pour la majorité des marchés, mais le pourcentages d’augmentation est généralement inférieur à celui de 2023. Au niveau mondial, nous prévoyons que les cas d’insolvabilité augmenteront de 19% par rapport à 2023. La situation sur l’ensemble des marchés est toutefois contrastée. La situation sera encore plus mitigée en 2024, alors que l’insolvabilité sur de nombreux marchés se rapproche du niveau de normalité. Plusieurs marchés devraient encore connaître une augmentation substantielle des faillites, notamment Singapour, la Pologne, l’Italie, les Pays-Bas et les États-Unis. À Singapour, en Pologne, en Italie, aux Pays-Bas et aux États-Unis, le normalisation a commencé fin 2022 ou début 2023 et nous prévoyons que cela se poursuivra jusqu’en 2024. Pour la Pologne et l’Italie, nous n’avons pas encore vu le début de la normalisation, mais nous pensons qu’elle se produira en 2024. Mais il y aura également des marchés avec une croissance attendue des insolvabilités négative en 2024 ou des augmentations relativement contenues, comme la Finlande, l’Autriche, la Belgique et le Royaume-Uni.

 

Veuillez retrouvez ci-joint : Indicateurs macroéconomiques pour les marchés clés

 

 

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