Un message extrêmement fort fut envoyé aux entreprises en septembre 2019 lors de la création du Manifeste étudiant pour un réveil écologique signé par 25 000 étudiants représentant les plus grandes écoles françaises telles que Polytechnique, HEC ainsi que l’ENS. En effet, ces futurs décideurs recherchés par les plus grandes entreprises françaises et mondiales soulignent d’une manière incontestable l’importance de la prise en compte des enjeux environnementaux et sociétaux dans la sphère économique. Par conséquent, les sujets relatifs à la responsabilité sociétale des entreprises plus communément appelé RSE sont mis en lumière par un ensemble d’acteurs qu’ils soient étudiants, dirigeants d’entreprises ou décideurs politiques.
En effet, la RSE définie par la Commission européenne en 2011 comme « l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes» se trouve être un outil fondamental pour l’ensemble des entreprises. La RSE peut avoir un impact positif sur la performance à la fois financière et extra-financière des entreprises à travers notamment une amélioration du capital immatériel de ces dernières. Il existe en principe trois grandes catégories de capital immatériel impactées directement par les démarches RSE ; le capital humain considéré par l’OCDE comme l’ « l’ensemble des connaissances, qualifications, compétences et caractéristiques individuelles qui facilitent la création du bien-être personnel, social et économique » au sein d’une entreprise, le capital structurel comprenant l’image de marque telle que sa notoriété et enfin le capital relationnel renvoyant à l’ensemble des interactions entre l’entreprise et ses parties prenantes. Ainsi, afin de mesurer la performance RSE de ces dernières, il est indispensable de prendre en compte les critères ESG renvoyant aux critères environnementaux, sociétaux ainsi que de gouvernance des entreprises qui se trouvent au cœur de l’analyse extra-financière. Il ne suffit donc plus d’analyser les critères financiers pour évaluer la performance d’une entreprise mais au contraire d’intégrer à cette dernière un ensemble de critères extra-financiers incarnant une nouvelle façon de penser l’entreprise dans un monde en constante évolution. Il s’agira donc de mettre en lumière la manière dont l’engagement dans une démarche RSE par les entreprises peut être un véritable outil créateur de valeur immatérielle ainsi qu’un investissement pouvant avoir des impacts sur la performance globale et future des entreprises.
I) La démarche RSE ; un outil créateur de valeur immatérielle pour l’ensemble des entreprises.
En principe la RSE est un système de gouvernance des entreprises régi par un ensemble de législations européennes et françaises s’inscrivant dans une volonté de prise en compte des parties prenantes ainsi que de l’impact externe produit par les décisions de l’entreprise. Il existe 7 domaines d’actions sur lesquelles une entreprise peut élaborer sa stratégie RSE ; la gouvernance, les droits de l’Homme, les relations et conditions de travail, l’environnement, la loyauté des pratiques, les questions relatives aux consommateurs ainsi que les communautés et déploiement local. L’ensemble de ces thèmes sont principalement encadrés par la norme AFNOR ISO 26000 ainsi qu’une multitude de législations européennes et françaises qui ne cesse de croître afin d’encourager ou contraindre les entreprises à s’engager dans des démarches RSE. En effet, la directive européenne NFRD – Non Financial Reporting Directive – sera remplacée d’ici 2025 par une directive plus ambitieuse appelée Corporate Sustainability Reporting Directive créant une obligation de reporting de durabilité pour toutes les entreprises de plus de 250 salariés ou réalisant un chiffre d’affaire de plus de 40 millions d’euro. La RSE est donc un outil en voie d’extension dont il devient indispensable pour l’ensemble des entreprises, qu’elles soient grandes ou petites, de connaître et d’appliquer du fait de son impact positif sur la valeur immatérielle de ces dernières. En effet, la mise en œuvre d’une démarche RSE est incontestablement un outil créateur de valeur immatérielle pour l’ensemble des entreprises. S’il existe des contraintes juridiques dans le cadre de l’engagement dans des politiques RSE, en réalité investir dans des mesures plus respectueuses de l’environnement ou de certains critères sociaux tels que la parité permet aux entreprises d’avoir un impact positif sur leur capital immatériel. L’engagement concret dans une démarche RSE est donc une manière d’investir et de favoriser la valeur immatérielle de son entreprise à travers un enrichissement de son capital à la fois humain du fait d’une plus grande attractivité à l’égard des nouveaux diplomés, mais également structurelle eu égard de l’amélioration incontestable de l’image de marque sur laquelle peut se fonder l’entreprise. Ces démarches peuvent également améliorer le capital relationnel dont le capital client de l’entreprise ou des actionnaires et partenaires ainsi que le capital sociétal et environnemental relatif à l’action positive de l’entreprise sur son environnement extérieur. C’est principalement pour cette raison que dès 2011 l’Ordre des Experts Comptables incita les PME à prendre en compte la notion de création de valeur
immatérielle dans le cadre des démarches RSE. Par ailleurs, une grande partie des start-ups ne laissent pas de côté la question de la RSE et en font également un élément primordial au sein de leur business-plan. En effet, renoncer à intégrer des éléments extra-financiers peut être risqué pour des start-ups en recherche de fonds puisqu’elles pourraient se voir refuser ces fonds ou payer davantage de taxe du fait d’un manquement aux normes RSE. Le rôle de la responsabilité sociale des entreprises est donc fondamental en ce qui concerne la création de valeur immatérielle de celles-ci. Cependant, les démarches RSE et l’investissement qui incombe aux entreprises a en réalité un impact plus global à long terme puisqu’elles permettent à ces dernières d’améliorer leur performance globale.
II) S’engager dans une véritable démarche RSE ; un investissement ayant des impacts sur la performance globale future des entreprises
Si l’engagement dans une démarche RSE a des impacts incontestables dans la lutte contre le dérèglement climatique ainsi que certains enjeux sociétaux et de gouvernance, cet engagement peut également améliorer la performance globale de l’entreprise à long terme.
En effet, en prenant uniquement en compte la réalité du dérèglement climatique et l’impact qu’il pourrait avoir sur le système économique mondial et financier, prendre des mesures pour lutter contre ce dernier permettrait de minimiser certains risques considérés aujourd’hui comme étant quasiment impossibles. C’est notamment ce que prône la société européenne E.ON spécialisée dans le secteur énergétique à travers le vice président David Radermacher du pôle de développement durable ainsi que la banque ING dans son dernier article Sustainable transition : the most urgent jobs according to business leaders dans lequel il énonce qu’aucune politique de développement durable ne peut être séparée de la stratégie d’entreprise. Or, si des entreprises ou banques internationales telles que ING perçoivent
parfaitement le lien entre RSE et performances économiques futures, au contraire selon un sondage réalisé par le cabinet de conseil Accenture 37 % des directeurs d’entreprises ne parviendraient pas à comprendre le lien entre RSE et augmentation de la valeur immatérielle de l’entreprise. Cependant, dès janvier 2016 France Stratégie avait publié un rapport récapitulant le lien fondamental entre RSE et performance économique dans lequel l’institution publique soulignait qu’une démarche RSE concrète procure à l’entreprise « un gain de performance en moyenne de l’ordre de 13% par rapport aux entreprises qui ne l’introduisent
pas ».
En effet, ces démarches permettent une amélioration des processus internes des entreprises qui permettent de percevoir ce gain de productivité. Il existe donc un large panel d’activités au sein desquelles les politiques RSE agissent et améliorent par conséquent la performance globale de ces dernières. Par ailleurs, selon le dernier baromètre réalisé par le Mouvement des Entreprises de France relatif aux résultats obtenus en 2021, la RSE serait devenue à l’égard des salariés « un vecteur de confiance en l’avenir et d’attachement à l’entreprise ». Ainsi, des résultats assez différents sont constatés entre les entreprises détenant une entité dédiée à la RSE et celles dans laquelle l’entité est absente. La confiance en l’avenir de l’entreprise par les salariés est donc de 83% pour celle ayant une entité dédiée contre 71% pour les autres. Il y a donc un ensemble de vecteurs soulignant de nouveau l’importance des démarches RSE au sein des entreprises dans le cadre de l’amélioration de leur performance à la fois financières ainsi qu’extra-financière. Une entreprise engagée dans ce type de démarches s’impose donc à l’égard de ces concurrents et améliore à la fois son image, son capital humain, ses rapports avec l’ensemble des parties prenantes ainsi que son environnement. Il ne s’agit donc pas simplement d’augmenter ses performances économiques et son capital immatériel mais également de devenir un acteur clé au sein d’une société en évolution permanente.
Bernard ATTALI
Président du cabinet « GOUVERNANCE & VALEURS »
Depuis plus de 100 ans, nous pensons l’innovation de la même façon. Nous innovons toujours selon les 4 principes de Schumpeter (produit, process, organisation et commercialisation). Et cela même si depuis des décennies nous savons que l’innovation peut nuire à la planète, à la vie dans la cité ou encore à l’humain. Ce sont ces trois enjeux majeurs qui sont à l’origine des crises que nous vivons.
Notre système économique basé sur la croissance infinie est en effet insoutenable. Nous consommons 1,7 fois plus de ressources que ce que la terre est capable de régénérer. Ce modèle volumique et extractif entraîne une mise en danger de la biodiversité et de la viabilité de l’ensemble des espèces, l’Homme inclus. La mobilisation des dirigeants, des administrateurs et de tous les acteurs économiques est indispensable pour transformer en profondeur nos modèles et mettre en œuvre des innovations favorisant le développement durable.
Les 17 ODD (Objectifs de Développement Durable) définis par les Nations Unies ne sont pas encore devenus le moteur essentiel de l’innovation. Même si la RSE s’invite dans les stratégies d’innovation, 40 % des entreprises ne les ont toujours pas inclus. La prise de conscience des consommateurs et leur volonté de consommer différemment amènent néanmoins de plus en plus de dirigeants à reconnaître que la durabilité devient la pierre angulaire du processus d’innovation. La durabilité n’est plus seulement un enjeu de compliance ou de réputation mais aussi une orientation stratégique et opérationnelle de l’entreprise.
Les 3 approches d’innovation durable
Innover responsable, c’est faire évoluer son processus d’innovation en mettant l’humain et la planète au centre des préoccupations. Trois caractéristiques fondamentales distinguent l’innovation durable.
L ‘innovation durable doit être ancrée dans la culture de l’entreprise et être partie intégrante de son ADN,
L’innovation durable nécessite une approche systémique, d’où la notion de discipline composée de plusieurs piliers : la gouvernance et sa vision stratégique, la culture d’entreprise, la connaissance (dans laquelle nous incluons le design d’usages, le design d’expérience, le sustainable design et la R&D), la RSE et la mesure de l’impact sur les externalités.
L’innovation durable a pour objectif de répondre aux besoins des générations actuelles sans compromettre les besoins des générations futures.
Selon Richard Adams, les entreprises peuvent s’engager dans trois types d’innovation durable, sachant qu’elles peuvent passer par ces différents types d’innovation de façon séquentielle.
« Faire mieux les mêmes choses» : l’approche « éco-efficacité».
« Faire le bien en faisant de nouvelles choses» : la transformation organisationnelle.
« Faire le bien en faisant de nouvelles choses avec les autres» : la construction d’écosystèmes
L’intégration de la durabilité dans les objectifs de l’entreprise permet de redéfinir l’approche, la structure organisationnelle et l’équipe d’innovateurs. Cependant la structure organisationnelle doit répondre à des principes : être bien intégrée, compatible avec l’entreprise et ses valeurs et être capable d’avoir un impact sur l’organisation.
La RSE quant à elle requestionne le processus d’innovation et mesure les impacts positifs et négatifs liés aux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux en s’appuyant sur des critères de responsabilité. Cette approche par le principe des multicritères permet de prendre en considération les matières premières, les ressources utilisées, la pollution générée… et le modèle économique pour la pérennité de l’entreprise.
Vers l’innovation régénérative
Après l’innovation durable, la nouvelle orientation qui commence à s’imposer aux entreprises est l’innovation régénérative. Une entreprise régénérative va au travers de ses activités générer des impacts positifs nets pour les écosystèmes et la société. Cela signifie qu’elle va au-delà de la réduction des impacts négatifs ou de leur neutralisation. L’entreprise va contribuer à préserver son environnement, voire participer à sa régénérescence, tout en améliorant notre bien-être et celui de la société et en restant économiquement viable. On peut citer l’exemple de Sand to Green, qui mène des projets agricoles dans le désert, ou encore d’Interface qui, avec son concept de « factory as a forest », tente d’appliquer aux usines les principes des écosystèmes naturels.
Ces modèles d’entreprises sont circulaires par nature et ont appris à modifier leur système de production, leurs infrastructures et à faire des substitutions de produits en utilisant des alternatives respectueuses de l’environnement… Elles remettent le vivant au cœur de leur processus de décisions et pour réussir, pratiquent le biomimétisme. Ce modèle de résilience inspiré par le vivant considère notre planète comme le plus grand open lab du monde et tente de tirer les leçons de plus de 3,8 milliards d’années d’évolution. Source inépuisable d’inspiration, le biomimétisme permet d’adresser les challenges environnementaux et contribue à transformer une entreprise dans ses pratiques et ses approches pour faire de l’innovation régénérative son « core business ».
Quel profil pour l’innovateur de demain ?
Orientés depuis des années sur la génération de profit et de rentabilité, les innovateurs doivent donc intégrer ces nouveaux impératifs et repenser l’innovation pour lui donner du sens. L’innovateur doit s’inspirer du vivant et intégrer la durabilité. Cela montre qu’il faut s’ouvrir à des profils d’innovateurs plus éclairés, rompus aux risques et à ses analyses, et en capacité de challenger dans une démarche critique l’ensemble des idées pour répondre au mieux aux enjeux, à la pérennité de son organisation, et de son écosystème. Mais aussi être capable de concilier et d’associer objectifs sociaux, environnementaux et résultats économiques.
Ce sont ces types de profils qui seront à l’affût de nouvelles lois ou règlementations pour s’en emparer ou encore pour tester de nouvelles matières, de nouvelles technologies ou processus d’innovation. En expérimentant, ils aideront l’entreprise à se démarquer par de nouveaux business modèles, et de nouvelles façons de générer des revenus tout en étant alignés avec les enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux et la mesure multicritère de leurs impacts.
Ainsi, les entreprises devront rechercher des profils à la croisée de l’innovation, de la RSE, et la transformation digitale, pour porter ces projets d’innovation responsable de plus en plus complexes en s’appuyant sur des labs d’exploration et des méthodes comme la prospective et le sustainable design. C’est aujourd’hui l’enjeu de toutes les entreprises de se transformer pour tendre vers ce modèle qui assurera la pérennité de la planète et de l’humanité.
Emilie Soleri était Directrice Générale Déléguée en charge du marketing, de l’e-commerce et du digital pour Auchan Retail. Elle vient d’être nommée Directrice Générale de Boulanger.
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