Résultats de l’Étude sur la Romance du Travail par le Groupe Technologia

L’amour au travail

Saint Valentin : près d’un Français sur deux a déjà

eu une relation amoureuse … au travail

Par Violaine des Courières

 

 

Recherche de l’âme soeur, effet #MeToo… : “Marianne” dévoile aujourd’hui les résultats d’une études inédite réalisée par le Cabinet Technologia et l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne sur la Romance au travail. Un sujet peu documenté jusqu’à présent mais qui concerne a concerné de près… 46% des salariés. La Fin de l’amour. Publié en 2020, cet essai de la sociologue Eva Illouz décryptait la marchandisation des sentiments amoureux par le capitalisme et, notamment, les applications de rencontre. Plus récemment, le 6 février 2024, l’Ifop dévoilait une étude titrée “La “sex récession” : les Français font-ils moins l’amour ?” et révélait qu’une proportion d’hommes et de femmes préféreraient jouer à un jeu vidéo ou consulter leurs réseaux sociaux plutôt que de s’abonner à une partie de jambes en l’air. Un tableau digne d’un roman de Michel Houellebecg. Concernant les relations amoureuses, en ces temps de Saint-Valentin – fête, la encore, commerciale, le climat est morose. Mais un espoir surgit de nulle part, et surtout dans des lieux qu’on n’attendait pas : les bureaux, les open spaces les salles de réunion, les couloirs d’entreprise et d’institution.

Ragots, Rumeurs et Jalousies

En effet, Marianne révèle en exclusivité les résultats d’une études du cabinet Technologia – spécialiste de la prévention des risques et de l’amélioration des conditions de travail – et de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne sur la romance au travail, un sujet très peu étudié par le passé. On y apprend que près d’un Français sur deux – 46% exactement a déjà eu une relation amoureuse au travail.

Et sur ce chiffre, 80% affirment que cette relation était sérieuse. Le bureau apparaît comme la première agence matrimoniale physique, après les cercles de rencontre amicaux et familiaux. C’est un des derniers endroits où il existe encore un brassage social permettant de rencontrer un personne issue d’un milieu différent du sien. De fait, au boulot, les personnes se voient tous les jours ou presque, à rebours du zapping des applications de rencontre.

Information au sein du groupe Lagardère, Christophe*, 49 ans, y a rencontré sa femme, Isabelle, avec qui il est en couple depuis une vingtaine d’années et pacsé depuis 2021 : “Je devais former les salariés sur leurs nouveaux outils de travail, et elle faisait partie de ces équipes. De fil en aiguille on a tissé un lien. Ensuite, on à déjeuné ensemble avec des collègues. J’ai pris son numéro de téléphone. On s’est donné rendez-vous en dehors du travail puis notre histoire a débuté !”.  

 

 

En agence média, Frédéric 52 ans, a eu un coup de foudre en 2004 alors qu’il participait à une série d’évènements festifs interprofessionnels. “Durant ces soirées professionnelles, on chantait et o, dansait. Lorsque j’ai parlé avec Patricia, cela a fait des étincelles et tout a commencé pour nous sur les Champs-Élysées avant la dernière soirée” s’enthousiasme-t-il. Dans la foulée, le couple s’est marié en 2005 et a eu deux enfants. Voilà vingt ans que cela dure.

À Paris, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Adrien* a été immédiatement séduit par Juliette* alors qu’il était interne dans un service de neurologie et qu’elle était stagiaire dans une profession paramédicale. Elle raconte : “Lorsque je suis arrivée dans la salle de staff où il faisait un topo en public pour présenter un patient, il m’a vue et m’a fait un clin d’oeil. Cela m’a immédiatement refroidie ! Mais, lorsque j’ai parlé seule avec lui, j’ai perçu une tout autre personnalité que celle que j’avais imaginée. Nous nous sommes revus trois mois plus tard et c’est là, sans la blouse blanche, que tout a débuté pour nous !” Le couple s’est marié en 2019 et a aujourd’hui trois enfants.

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Le lieu de travail est un espace de rencontre singulier parce que les couples qui s’y forment vivent le début de leur histoire en cachette, pour éviter que leurs collègues le sachent.

 

 

Pas facile de composer avec ces derniers à en juger par l’étude. Selon 89% des sondés, ces histoires génèrent tout un as de ragots et de rumeurs, ainsi que des jalousies et des coups bas de la part des “amoureux” en cas de rupture (88%).

 

 

Combien de pratiques de harcèlements et de dysfonctionnements managériaux s’imbriquent dans les problèmes de coeur conflictuels ? Si la plupart de ces relations sont sérieuses, d’autres ne durent qu’un soir, et certaines agissent comme des brise-couples, car c’est également au bureau que se nouent des relations extraconjugales. “J’ai vu un médecin s’afficher avec sa maitresse, une soignante? C’était le couple de l’hôpital, mais sa femme, elle, ne le savait pas”, rapporte en core Juliette.

MOEURS ET MENTALITÉS DIFFÉRENTES 

L’entreprise serait-elle devenue une esclave hermétique à la sex récession révélée par l’Ifop ? Certes, 17% de ceux qui ont déjà eu une relation amoureuse au travail, attestant que c’était une histoire purement sexuelle. Mais, sur ce sujet précis, les différences d’attentes entre les hommes et les femmes sont importantes. Par exemple, l’acceptation d’avoir des “relations sexuelles occasionnelles” avec des collègues fait l’objet d’un différentiel de 19 points entre les deux genres. “Ces statistiques rappellent que les mentalités des hommes et des femmes sont toujours très différentes et qu’ils n’ont pas le même degré d’acceptabilité concernant les actes, ce qui ouvre la voie à des malentendus. Or, dans les débats que nous avons aujourd’hui sur le harcèlement, sur l’emprise et sur les contraintes, c’est bien ce différentiel qui est en cause”, analyse Chloé Morin, politique, experte associée à la Fondation Jean-Jaurès, et auteure de Quand il aura vingt ans (Guyard).

 

 

De fait, cette dimension genrée apparait comme en décalage avec les discours. progressistes de responsabilité sociétale des entreprises. Ces différences se perçoivent déjà au quotidien, dans des gestes anodins : “Dans les médias, on se tutoie, on se tape dans le dis, on se fait la bise. Mais les jeunes femmes sont beaucoup plus distantes qu’avant. L’autre jour, j’ai touché le bras d’une copine, je me suis demandé si elle n’allait pas porter plainte !”, pointe encore Frédéric, qui voit la suspicion s’immiscer dans certaines relations de camaraderie. 

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De fait, le mouvement #Me Too imprègne les liens hiérarchiques en entreprise. La drague et les compliments peuvent vite déraper : quelque 8% des femmes déclarent avoir vécu ces situations comme une traumatisantes.

 

 

Si 84% des répondants jugent acceptable une romance avec un autre salarié, ils ne sont plus que 43% lorsque cette histoire se déroule entre une employée et un supérieur direct, ou l’inverse. Encore plus spectaculaire, la drague est acceptée à 70% entre collègues, mais seulement à hauteur de 31% lorsqu’il existe un lien de subordination direct. Les Français ne ressemblent pas encore aux Américains mais ils se montrent très chatouilleux quand les questions de hiérarchie se mêlent à celles du coeur. Le culte de l’égalité sans doute.

 

Comment #Me Too a changé les relations amoureuses au travail 

 

 

La séduction amoureuse n’a pas disparu en entreprise, mais le mouvement #Me Too a générée de nouveaux comportements et le rejet de certaines attitudes déplacées. 

Ce mercredi, certains fêteront la Saint-Valentin discrètement… au boulot. Selon l’étude “La romance au travail” du cabinet Technologia et de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne(*), 4,6% des répondants ont déjà eu une relation amoureuse au travail et 17% une histoire purement sexuelle. Difficile en effet de ne pas nouer des relations intimes dans un cadre où nous passons deux tiers de notre vie éveillée, analyse Jean-Claude Delgènes, président fondateur de Technologia : “Le travail reste un incubateur émotionnel, une source de relations importante.” D’ailleurs, pour plus de huit sondés sur dix, entretenir une relation amoureuse avec un collègue est tout à fait acceptable.Et si le fait d’avoir des rapports sexuels occasionnels avec un collègue est un peu moins bien toléré, presque six sur dix trouvent cela concevable.

Les relations avec un supérieur moins tolérées 

Reste que le mouvement #Me Too et la libération de la parole des femmes en matière de harcèlement sexuel a changé la donne dans les relations entre les hommes et les femmes au travail. Ainsi, plus d’un sondé sur deux trouve inacceptable d’entretenir une relation sentimentale avec un subordonné (53%) ou un supérieur direct (57%). Et 59% d’entre eux ne tolèrent pas l’idée d’être dragués par un subordonné et 65% par un supérieur direct. “Il y a un rejet de l’emprise, une volonté de rééquilibrage de la relations”, relève Jean-Claude Delgènes.

“Les femmes n’acceptent plus les commentaires graveleux” 

Ce mouvement a aussi influé sur la drague e entreprise : “On voit un effet #Me Too très net, car la séduction est tout à fait tolérée, mais à condition qu’elle ne soit pas lourdingue et qu’il y ait un consentement explicite, en particulier du côté des femmes”, note Jean-Claude Delègnes. Les commentaires sur les caractéristiques corporelles, qu’ils proviennent d’un collègue ou d’un supérieur, ne sont plus acceptés par l’écrasante majorité des répondants. Idem pour les contacts appuyés (bras autour du cou, main à la taille) qui sont massivement rejetés. “Les femmes n’acceptent plus certains regards, commentaires graveleux, attitudes sexistes. C’est l’effet de l’éducation de masse faite grâce à #Me Too“, commente le directeur de Technologia. Les salariés sont aussi davantage conscients des risques que comportent les tentatives de séduction quand seulement l’un des deux protagonistes en a envie. Car plus d’une femme sur cinq déclare avoir connu des situations de drague au boulot qui ont dégénéré. Des situations qui ne concernent que 8% des hommes. “D’où le souhait de 91% des répondants que leur entreprise sanctionne les agissements sexistes et le harcèlement sexuel. Mais sans pour autant qu’elle régule de manière trop drastique les relations qui relèvent de leur individualité. Ils sont contre une prohibition de la relation amoureuse au travail à l’américaine”, observe Jean-Claude Delgènes.

Sensibiliser aux risques salariés et cadres

Pour que les mentalités continuent à avancer, 62% des répondants souhaitent qu’une sensibilisation aux risques de dérives des romances au travail soit faite dans leur entreprise. “Il n’y a pas d’anticipation de ces situations en France par l’encadrement ou les services des ressources humaines. Pourtant, on pourrait mieux les réguler en informant mieux les salariés et en formant leurs managers”, insiste Jean-Claude Delgènes. Delphine Bancaud(*) Étude réalisée par Technologia et l’université Paris I, pour Marianne du 19 octobre 2023 au 8 janvier 2024 sur un échantillon de l 682 répondants, principalement des cadres, des professions intermédiaires et des employés.

 

 

“Se mettre en couple au travail est devenu plus compliqué”

Questions à Catherine Lejealle, Sociologue, chercheuse à l’ISC Paris, spécialiste des usages des nouvelles technologies.

 

 

Les rencontres au travail sont-elles fréquentes ? 

“Le nombre de personnes qui se sont rencontrés au travail est ce qui a le plus baissé au fil du temps, alors qu’en 1987, c’était le premier lieu de rencontres. Cela s’explique avec l’arrivée d’internet, mais il est également devenu plus compliqué aujourd’hui de se mettre en couple en entreprise parce que le climat est plus tendu, moins favorable à la rencontre amoureuse. On a peur de perdre sa place et on ne veut pas s’ajouter de potentiels conflits.”

Comment les modes de rencontre ont-ils alors évolué au fil du temps ? 

“L’arrivée des femmes dans le monde du travail a créer des occasions de rencontres, tout comme l’exposition du tourisme. Mais des études réalisées dans les années 2010 montrent l’importance d’internet et des applications dans la mise en relation. Au départ, il s’agissait de sites avec de nombreux échanges avant de se rencontrer puis est arrivé, en 2007, l’application “Adopt un mec”, créé pour répondre aux attentes des femmes et apporter de la confiance dans la mise en relation médiée. L’objectif de cette application était de leur redonner de pouvoir. En 2013, est arrivé “Tinder” qui base la rencontre sur la géolocalisation et met davantage en avant les photos. On considère aujourd’hui qu’il y a 1 200 sites et applications, dont certaines sont très spécialisées, par orientation politique, par pratique d’un sport…”

Les applications de rencontres ont-elles un impact sur la durée de la relation ?

“Non, Internet ne joue pas sur la durée de la relation amoureuse. Cela va surtout dépendre de l’âge. À 20 ans, sur Tinder, vous ne recherchez pas la personne avec qui faire votre vie. En revanche, si vous avez 28 ans et que vous avez envie de vous poser, les applications sont également un lieu de rencontre. Leur démocratisation à toutes les catégories socioprofessionnelles (CSP) et à tous les âges fait que les préjugés autour de la rencontre sur Internet ont disparu. À partir d’un moment, on oublie la façon dont on s’est rencontrés d’autant plus que le temps passé sur les applications est réduit. Le dévoilement et la rencontre se font davantage autour d’un verre. Elles ne servent qu’à permettre une mise en relation pour une rencontre très vite dans la vie réelle. Ceci apporte plus de naturel, permet de créer une petite mythologie du couple”.

Internet a-t-il permis un meilleur brassage social au sein des couples ?

“Le milieu social garde un rôle important au sein des couples. Cette homogamie qui aurait pu être remise en cause avec Internet ne l’a absolument pas été. Les gens font tout de même des choix sur l’application. On va chercher quelqu’un qui a plutôt le même niveau d’études et de salaire. Concernant la zone géographique, si on vit dans une zone peuplée, on sera peu enclin à rechercher des personnes loin de chez soi. En revanche, les personnes vivant dans des zones moins peuplées seront davantage obligées de faire des kilomètres pour trouver l’âme soeur.”

Si Internet ne joue pas sur la qualité et la durée de la relation, comment expliquer l’augmentation du nombre de divorce ? 

“Aujourd’hui, on a une exigence de bonheur. La vie est courte et on a envie de faire plein de choses. On n’a plus la patience d’attendre qu’une relation connaisse des phases d’éloignement. On veut quelque chose d’exceptionnel, réussir son couple. Le niveau d’exigence est monté du côté de chacun des partenaires. Puisque les femmes travaillent et sont financièrement autonomes, elles sont aussi plus libres et le divorce n’est plus mal perçu dans la société. Les jeunes qui se marient aujourd’hui savant que ce ne sera peut-être qu’une tranche de vie. Le mariage est une grande fête qui n’a plus la même valeur qu’autrefois. Ce n’est plus un point d’aboutissement mais un moment dans une trajectoire de couple.”

Propos recueillis par Alexandre Simard 

Zoom Ce que dit la loi 

 

 

En vertu du respect de la vie privée, l’employeur ne peut légalement s’opposer à la formation d’un couple au sein de l’entreprise. En effet, l’article L. 1132-1 du Code du travail interdit de sanctionner ou de licencier un salarier en raison de “sa situation de famille”. Les salariés en couple ne sont pas tenus de le communiquer à leur hiérarchie. Toutefois ils doivent veiller à ce que leur relation ne perturbe pas la vie de l’entreprise. Une sanction (ou un licenciement) pour un salarié tiré de la vie privée du salarié est autorisée lorsque le comportement du salarié a créé un “trouble caractérisé” préjudiciable à l’entreprise. À titre d’exemple, le comportement violent d’un salarié envers sa concubine, également salariée de l’entreprise, est constitutif d’un trouble caractérisé à l’entreprise, ce qui justifie donc son licenciement. L’employeur est en effet tenu à une obligation de prévention en matière de sécurité à l’égard de ses salariés. Une sanction pourrait également être prononcée à l’encontre d’un salarié qui dissimulerait sa relation amoureuse alors qu’il se trouve dans une situation de conflits d’intérêts. L’employeur se doit, en outre, de sensibiliser ses salariés sur le harcèlement et les agissements sexistes en entreprise. A.Si.

 

 

 

Témoignages / “Elle me lançait des phrases qui ne laissaient pas

de place au doute”

 

 

Une révolution sociétale. Le mouvement #Me Too a contribué à redéfinir les rapports entre les hommes et les femmes, y compris au travail. Depuis, certains hommes font beaucoup plus attention à leurs attitudes avec leurs collègues et proscrivent les rapports de séduction. Quitte à être un peu sur la défensive comme Nicolas, 42 ans : “Depuis #Me Too , on ne peut plus faire un compliment sans être mal vu ou repris, même si nos paroles sont respectueuses. Les amalgames sont devenus exagérés”, estime-t-il. Plus que jamais, Bastien, 39 ans, qui est délégué du personnel, s’interdit toute relation amoureuse au travail : “Pour moi, ce n’est pas un lieu de rencontre et cela peut amener à de sérieuses dérives si la relation vient à se terminer. Et on peut se demander si les directions d’entreprise prennent réellement ce problème au sérieux.” Mais pour d’autres, le mouvement de libération de la parole n’a pas eu réellement d’impact sur leur vie sentimentale, y compris au boulot. Car ils ont l’impression d’avoir toujours été respectueux des femmes. “#Me Too n’a jamais fait partie de ma réflexion avant de draguer au travail”, explique ainsi David, 31 ans.

“Personne n’en a jamais rien su” 

Mais avant de se lancer dans une phase de séduction, il s’est assuré que sa future copine était sur la même longueur d’onde : “Elle me lançait pas de place au doute. Et avant de lui proposer un rendez-vous, on s’est avoué notre crash (notre sentiment, NDLR) commun par écrit. Une façon pour moi d’être certain de son consentement pour aller plus loin”, explique t-il. #Me Too, n’a pas non plus freiné l’envie de rencontres de Fred, 50 ans, qui a connu deux histoires d’amour au travail : “L’une était à mon niveau hiérarchique, l’autre pas”, raconte-t-il. S’il explique n’avoir pris aucune précaution particulière avant de se lancer, il souligne cependant que “la question du consentement mutuel est désarmais encore plus essentielle et n’est plus implicite.” Reste qu’une fois la relation installée, Fred a dû faire preuve de discrétion pour éviter toute dérive au bureau : “Personne n’en a jamais rien su. Et ce n’était pas toujours facile de devoir sans arrêt surveiller mon regard, mon langage, ma manière d’être et mes réactions lorsque des collègues discutaient de mon amoureuse.” David a dû aussi taire ses sentiments dans l’open space. “Une discrétion légendaire nous a accompagnés. Et comme nous sommes tous les deux très sociables au sein de l’entreprise, le fait de se parler souvent n’était pas si étrange que ça. Mais au bout de six mois de vraie relation, tout le monde l’a su”, qui a rencontré son conjoint aide-soignant, a eu plus de difficultés quand sa relation a été connue de tous : Ça a été compliqué : cela a provoqué des jalousies et les collègues étaient moins joviales. Ne leur en déplaise ! Plusieurs années après, nous avons deux enfants et une vie formidable et je suis plus amoureuse que jamais.” Delphine Bancaud

 

 

 

 

 

 

L’amour au travail 

 

 

Jean-Claude Delgènes : “Le bureau est un puissant incubateur émotionnel”

Propos recueillis par Violaine de Courières

 

46% des salariés français ont déjà eu une relation au travail : c’est l’enseignement d’une étude inédite réalisée par le cabinet Technologia et l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne. Rencontre avec Jean-Claude Delgènes, le président du cabinet.

 

Marianne : Votre cabinet est une référence dans la gestion des risques et l’amélioration des conditions de travail, un sujet éloigné de la romance au travail. Pourquoi avez-vous voulu réaliser cette étude ? 

Jean-Claude Delgènes : Notre cabinet réalise environ 300 études par an. Dans ce cadre, nous voyons les conséquences managériales des recrutements sentimentaux, des promotions préférentielles. Tout cela produit des dysfonctionnements. De plus, les émotions des salariés ont un impact au quotidien : lorsqu’il y a une rupture amoureuse sur le lieu de travail, cela a des conséquences.

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La personne peut être dans un état de sidération, d’autant plus quand elle continue à être en proximité avec l’autre personne dans son travail. Elle peur commettre des erreurs professionnelles ou se mettre en danger. Dans les petites entreprises, les couples associés déposent souvent le bila lorsqu’ils se séparent.

Êtes-vous étonné par les chiffres de cette enquête ?

Le bureau est un puissant incubateur émotionnel, et nous l’observions déjà. Les jeunes générations y nouent des amitiés, en se voyant souvent après le travail. Beaucoup se marient après une rencontre. La nouveauté est l’impact de #Me Too sur les liens hiérarchiques.

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Dans l’enseignement, l’édition, divers secteurs, du point de vue des femmes, il y a eu des phénomènes de croyance de relations amoureuses, alors que cela ne l’était pas. Ces révélations entraînent une forme d’écoeurement. Si nous avions réalisé cette étude il y a une dizaine d’années, nous n’aurions pas obtenu les mêmes résultats.

La tyrannie du court terme et la novlangue managériale ne représentent-elles pas un tue-l’amour dans certaines structures ? 

En étudiant certaines entreprises, je perçois une forme de glaçage émotionnel à travers les visages de cire et les sourires crispés. Ces groupes sont régis par une forme de direction par les objectifs, imposant de ne pas avoir d’états d’âme lors d’un licenciement par exemple.

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Or, c’est justement la dimension émotionnelle, la pâte humaine qui génère la joie de se retrouver entre collègues. Le Partage avec ses pairs est une des triples dimensions du sens au travail. Nous militons pour la prise en compte de toutes ces émotions dans le cadre d’un management éclairé et bienveillant.

 

Veuillez retrouver le fichier de l’étude : “La Romance au Travail” sur le lien ci-joint :  LA ROMANCE AU TRAVAIL_240126_15h27

 

 

 

Publié le 17/04/2024

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