Depuis plus de 100 ans, nous pensons l’innovation de la même façon. Nous innovons toujours selon les 4 principes de Schumpeter (produit, process, organisation et commercialisation). Et cela même si depuis des décennies nous savons que l’innovation peut nuire à la planète, à la vie dans la cité ou encore à l’humain. Ce sont ces trois enjeux majeurs qui sont à l’origine des crises que nous vivons.
Notre système économique basé sur la croissance infinie est en effet insoutenable. Nous consommons 1,7 fois plus de ressources que ce que la terre est capable de régénérer. Ce modèle volumique et extractif entraîne une mise en danger de la biodiversité et de la viabilité de l’ensemble des espèces, l’Homme inclus. La mobilisation des dirigeants, des administrateurs et de tous les acteurs économiques est indispensable pour transformer en profondeur nos modèles et mettre en œuvre des innovations favorisant le développement durable.
Les 17 ODD (Objectifs de Développement Durable) définis par les Nations Unies ne sont pas encore devenus le moteur essentiel de l’innovation. Même si la RSE s’invite dans les stratégies d’innovation, 40 % des entreprises ne les ont toujours pas inclus. La prise de conscience des consommateurs et leur volonté de consommer différemment amènent néanmoins de plus en plus de dirigeants à reconnaître que la durabilité devient la pierre angulaire du processus d’innovation. La durabilité n’est plus seulement un enjeu de compliance ou de réputation mais aussi une orientation stratégique et opérationnelle de l’entreprise.
Les 3 approches d’innovation durable
Innover responsable, c’est faire évoluer son processus d’innovation en mettant l’humain et la planète au centre des préoccupations. Trois caractéristiques fondamentales distinguent l’innovation durable.
- L ‘innovation durable doit être ancrée dans la culture de l’entreprise et être partie intégrante de son ADN,
- L’innovation durable nécessite une approche systémique, d’où la notion de discipline composée de plusieurs piliers : la gouvernance et sa vision stratégique, la culture d’entreprise, la connaissance (dans laquelle nous incluons le design d’usages, le design d’expérience, le sustainable design et la R&D), la RSE et la mesure de l’impact sur les externalités.
- L’innovation durable a pour objectif de répondre aux besoins des générations actuelles sans compromettre les besoins des générations futures.
Selon Richard Adams, les entreprises peuvent s’engager dans trois types d’innovation durable, sachant qu’elles peuvent passer par ces différents types d’innovation de façon séquentielle.
- « Faire mieux les mêmes choses» : l’approche « éco-efficacité».
- « Faire le bien en faisant de nouvelles choses» : la transformation organisationnelle.
- « Faire le bien en faisant de nouvelles choses avec les autres» : la construction d’écosystèmes
L’intégration de la durabilité dans les objectifs de l’entreprise permet de redéfinir l’approche, la structure organisationnelle et l’équipe d’innovateurs. Cependant la structure organisationnelle doit répondre à des principes : être bien intégrée, compatible avec l’entreprise et ses valeurs et être capable d’avoir un impact sur l’organisation.
La RSE quant à elle requestionne le processus d’innovation et mesure les impacts positifs et négatifs liés aux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux en s’appuyant sur des critères de responsabilité. Cette approche par le principe des multicritères permet de prendre en considération les matières premières, les ressources utilisées, la pollution générée… et le modèle économique pour la pérennité de l’entreprise.
Vers l’innovation régénérative
Après l’innovation durable, la nouvelle orientation qui commence à s’imposer aux entreprises est l’innovation régénérative. Une entreprise régénérative va au travers de ses activités générer des impacts positifs nets pour les écosystèmes et la société. Cela signifie qu’elle va au-delà de la réduction des impacts négatifs ou de leur neutralisation. L’entreprise va contribuer à préserver son environnement, voire participer à sa régénérescence, tout en améliorant notre bien-être et celui de la société et en restant économiquement viable. On peut citer l’exemple de Sand to Green, qui mène des projets agricoles dans le désert, ou encore d’Interface qui, avec son concept de « factory as a forest », tente d’appliquer aux usines les principes des écosystèmes naturels.
Ces modèles d’entreprises sont circulaires par nature et ont appris à modifier leur système de production, leurs infrastructures et à faire des substitutions de produits en utilisant des alternatives respectueuses de l’environnement… Elles remettent le vivant au cœur de leur processus de décisions et pour réussir, pratiquent le biomimétisme. Ce modèle de résilience inspiré par le vivant considère notre planète comme le plus grand open lab du monde et tente de tirer les leçons de plus de 3,8 milliards d’années d’évolution. Source inépuisable d’inspiration, le biomimétisme permet d’adresser les challenges environnementaux et contribue à transformer une entreprise dans ses pratiques et ses approches pour faire de l’innovation régénérative son « core business ».
Quel profil pour l’innovateur de demain ?
Orientés depuis des années sur la génération de profit et de rentabilité, les innovateurs doivent donc intégrer ces nouveaux impératifs et repenser l’innovation pour lui donner du sens. L’innovateur doit s’inspirer du vivant et intégrer la durabilité. Cela montre qu’il faut s’ouvrir à des profils d’innovateurs plus éclairés, rompus aux risques et à ses analyses, et en capacité de challenger dans une démarche critique l’ensemble des idées pour répondre au mieux aux enjeux, à la pérennité de son organisation, et de son écosystème. Mais aussi être capable de concilier et d’associer objectifs sociaux, environnementaux et résultats économiques.
Ce sont ces types de profils qui seront à l’affût de nouvelles lois ou règlementations pour s’en emparer ou encore pour tester de nouvelles matières, de nouvelles technologies ou processus d’innovation. En expérimentant, ils aideront l’entreprise à se démarquer par de nouveaux business modèles, et de nouvelles façons de générer des revenus tout en étant alignés avec les enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux et la mesure multicritère de leurs impacts.
Ainsi, les entreprises devront rechercher des profils à la croisée de l’innovation, de la RSE, et la transformation digitale, pour porter ces projets d’innovation responsable de plus en plus complexes en s’appuyant sur des labs d’exploration et des méthodes comme la prospective et le sustainable design. C’est aujourd’hui l’enjeu de toutes les entreprises de se transformer pour tendre vers ce modèle qui assurera la pérennité de la planète et de l’humanité.
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Hélène Campourcy
Fondatrice et CEO Umantex
Co-fondatrice et Présidente de Think Innov’