CSRD : un cadre ambitieux pour une transparence durable, mais à quel coût ?

CSRD : un cadre ambitieux pour une transparence durable, mais à quel coût ?

 

A partir de janvier 2024, la corporate sustainability reporting directive (csrd) redéfinit le cadre du reporting extra-financier des entreprises en europe. conçue pour harmoniser, élargir et renforcer les exigences en matière de durabilité, cette directive marque une étape clé vers une économie plus transparente et respectueuse des enjeux environnementaux et sociaux.

 

 

 

 Par Bernard ATTALI

Président de Gouvernance & Valeurs, et Chargé d’Enseignement en Economie et Finance
au sein de grandes écoles.

 

Dans un contexte d’urgence climatique et de pression accrue des parties prenantes –investisseurs, consommateurs et institutions –, la CSRD s’impose comme un levier stratégique. En remplaçant la NFRD (Non-Financial Reporting Directive) de 2014, elle fixe des normes ambitieuses pour guider les entreprises dans leur transition durable. Mais pourquoi cette directive était-elle nécessaire ? À qui s’adresse-t-elle ? Quels défis et opportunités engendre-t-elle pour les entreprises ? Plongeons dans les origines, le périmètre et les implications de ce nouveau cadre.

 

I – Origines et contexte de la CSRD

Adoptée en décembre 2022, la Corporate Sustainabilit y Reporting Directive (CSRD) représente une évolution majeure du cadre de reporting extra-financier en Europe. Elle remplace la Non-Financial Reporting Directive (NFRD) de 2014, qui imposait déjà à certaines entreprises de communiquer sur leurs actions en matière de durabilité. Cependant, la NFRD s’était avérée insuffisante : elle ne concernait qu’environ 11 600 entreprises en Europe, principalement les grandes structures de plus de 500 salariés, et manquait de standardisation. Les données collectées étaient souvent incomplètes et peu comparables, limitant leur utilité pour les investisseurs et autres parties prenantes.La CSRD s’inscrit dans une réponse globale à l’urgence climatique et aux défis sociétaux. Elle impose des exigences plus strictes, élargit son champ d’application et introduit des outils méthodologiques innovants comme le principe de la double matérialité. Ce concept clé oblige les entreprises à évaluer : – la matérialité financière : comment les enjeux de durabilité affectent la performance de l’entreprise ; – la matérialité d’impact : comment les activités de l’entreprise influencent l’environnement, la société et la gouvernance. Cette directive s’intègre dans le Pacte Vert pour l’Europe, une stratégie ambitieuse visant la neutralité carbone d’ici 2050. Elle vient renforcer un écosystème réglementaire déjà dense, complétant des initiatives comme le règlement Taxonomy, qui classe les activités éco nomiques durables, et le SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), qui impose des obligations de transparence aux acteurs financiers.

Publiée au Journal Officiel de l’Union européenne, la CSRD a été transposée dans les législations nationales en 2023, avec une mise en œuvre progressive dès janvier 2024. En harmonisant les pratiques de reporting au niveau européen, elle ambitionne de guider les entreprises dans leur transition durable tout en améliorant la transparence pour les investisseurs et les parties prenantes.

 

II – Qui est concerné aujourd’hui ?

La CSRD (Corporate Sustainabilit y Reporting Directive) élargit considérablement le champ des entreprises soumises à l’obligation de reporting extra-financier. Contrairement à la NFRD, qui ne concernait que les grandes structures de plus de 500 salariés, la CSRD vise à intégrer un éventail bien plus large d’entreprises en Europe, avec l’objectif de couvrir près de 50 000 entités à terme.

1 – Critères d’éligibilité :

Les entreprises entrant dans le périmètre de la CSRD doivent dépasser au moins deux des seuils suivants :
• 250 salariés ;
• 40 M€ de chiffre d’affaires net ;
• 20 M€ de bilan.
Cette obligation s’appliquera également :
• aux PME cotées sur les marchés réglementés, avec un reporting simplifié et une possibilité de report jusqu’en 2028 ;
• aux entreprises non européennes réalisant plus de 150 millions d’€ de chiffre d’affaires dans l’Union européenne via une filiale ou une succursale. Un calendrier d’application progressif Pour faciliter la transition, l’entrée en vigueur de la directive est prévue par étapes :
• 2025 : Grandes entreprises déjà soumises à la NFRD ;
• 2026 : Grandes entreprises non couvertes par la NFRD ;
• 2027 : PME cotées, avec un délai jusqu’en 2028 sur demande ;
• 2028 : Entreprises non européennes dépassant les seuils définis ;

2 – Exceptions et allègements

Certaines filiales peuvent être exemptées si leur société mère fournit un reporting consolidé conforme à la directive. Les micro-entreprises (moins de 10 salariés) restent totalement exclues du dispositif. De plus, les PME bénéficiant d’un délai jusqu’en 2028 devront justifier les raisons de ce report dans leur rapport de gestion. En élargissant son périmètre, la CSRD cherche à inclure des acteurs économiques variés tout en adaptant les exigences aux spécificités des entreprises, renforçant ainsi l’objectif d’une transparence accrue et d’une finance durable.

 

III – Les Avantages de la CSRD pour les entreprises

L’entrée en vigueur de la CSRD constitue une opportunité stratégique pour les entreprises, au-delà de son caractère contraignant. En incitant à une meilleure gestion des enjeu x ESG (Environnementaux, Sociaux, Gouvernance), elle leur permet de tirer parti de plusieurs avantages : En adoptant un reporting harmonisé via les normes ESRS, les entreprises améliorent la confiance des investisseurs et des parties prenantes. Cette transparence accrue facilite également les comparaisons sectorielles. Les investisseurs étant de plus en plus sensibles aux critères ESG, les entreprises conformes à la CSRD deviennent plus attractives pour la finance verte. Cela peut offrir un avantage com pétitif majeur dans un contexte où l’accès aux capitaux est conditionné par la durabilité. Le cadre imposé par la CSRD encourage une intégration plus systématique des enjeux de durabilité dans la stratégie d’entreprise, permettant d’anticiper les risques et d’identifier de nouvelles opportunités. En combinant transparence, finance verte et transformation organisationnelle, la CSRD se positionne comme un levier essentiel pour les entreprises souhaitant rester compétitives dans une économie durable.

 

IV – Défis et enjeux spécifiques

Si la CSRD offre des opportunités stratégiques, sa mise en œuvre pose également des défis majeurs pour les entreprises, notamment en termes de complexité, de coûts et d’adaptation organisationnelle. La collecte et la vérification des données ESG, notamment pour les émissions de scope 3, représentent un défi logistique important. La directive impose également une vérification externe des rapports, ce qui peut engendrer des coûts significatifs. Selon la Commission européenne, le coût annuel pour les entreprises concernées est estimé à 3,6 milliards d’€, auxquels s’ajoutent 1,2 milliard d’€ de frais ponctuels. Chaque entreprise ayant ses spécificités, les critères uniformisés des normes ESRS peuvent parfois manquer de flexibilité. Les entreprises devront adapter leurs systèmes de gouvernance et leurs outils de collecte pour répondre aux exigences, tout en tenant compte de leurs propres enjeux sectoriels et organisationnels. Avec une transparence accrue, les pratiques de greenwashing (prétentions environnementales exagérées ou trompeuses) seront davantage scrutées par les parties prenantes. Les entreprises devront redoubler d’efforts pour s’assurer que leurs déclarations reflètent fidèlement leurs actions, sous peine de sanctions financières et de pertes en crédibilité. Si les grandes entreprises disposent souvent des ressources nécessaires pour se conformer rapidement, les PME cotées et autres structures plus petites pourraient être freinées par un manque de moyens humains et financiers. La directive prévoit cependant des allègements temporaires pour les PME, permettant un délai d’application jusqu’en 2028. En dépit de ces défis, la CSRD offre un cadre structurant pour accompagner les entreprises dans leur transition durable. Une anticipation rigoureuse et une collaboration avec des partenaires externes peuvent transformer ces contraintes en atouts stratégiques.

 

Conclusion :

Une opportunité pour une économie durable

La mise en œuvre de la CSRD marque un tournant décisif pour les entreprises européennes. En harmonisant les pratiques de reporting et en élargissant le périmètre des entreprises concernées, cette directive ne se contente pas de répondre aux défis environnementaux et sociétaux actuels ; elle pose également les bases d’une économie plus transparente, résiliente et durable. Si les efforts de mise en conformité peuvent sembler exigeants, ils offrent également des opportunités uniques. Les entreprises capables d’intégrer efficacement les enjeux ESG dans leur stratégie renforceront leur attractivité, tant auprès des investisseurs que des talents, tout en se positionnant comme des leaders dans la transition écologique. Ainsi, la CSRD n’est pas seulement une contrainte réglementaire : c’est un levier de transformation pour bâtir l’économie responsable de demain. Les entreprises qui relèveront ce défi auront un avantage compétitif décisif dans un monde où durabilité et compétitivité sont désormais indissociables.

Publié le 27/01/2025

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