Crée en 2006, le Government Pension Fund Global, successeur du Petroleum Fund, est le premier fonds souverain par montant de capitalisation au monde. Il est alimenté grâce à la production pétrolière norvégienne, notamment via les permis d’exploitation et d’exploration, les impôts, etc.
Découvrez l’article de Bernard Attali sur le fonds norvégien :
Génèse et développement du fonds
C’est lors du référendum de 1972 que les citoyens norvégiens décident de rejeter l’adhésion à la Communauté Économique Européenne (CEE) à 53.5% pour la première fois. S’ensuit un deuxième rejet en 1994 à 52%.
L’une des raisons expliquant ce rejet est la crainte d’une perte de souveraineté nationale d’une part. Par ailleurs, la Norvège préfère ne pas partager sa Zone Économique Exclusive (ZEE) et toutes ses ressources halieutiques et en hydrocarbures avec les États membres de la CEE. En effet, la Norvège est le 6ème producteur mondial d’hydro-électricité avec 99 % de son électricité d’origine hydraulique, ce qui génère des profits pour le pays assez conséquents. En 2012, le pays figurait aussi dans le top 10 des pays producteurs et exportateurs de gaz et de pétrole. La présence de ces ressources permet donc d’avoir des rendements élevés mais rend le pays dépendant de cette exploitation.
Il est intéressant de noter que plus d’un quart des revenus du gouvernement norvégien proviennent de la manne pétrolière. Une telle dépendance a donc posé une grande question : est-ce que cette dépendance aux ressources fossiles va devenir problématique pour le pays ? C’est pourquoi en 1990, dans l’optique que le pétrole finira par s’épuiser, que la Norvège a fondé le Petroleum Fund of Norway, rebaptisé en janvier 2006 Government Pension Fund Global, un fonds de souveraineté. Ce fonds a pour vocation de « couvrir les dépenses de retraites des futures générations ». En 2014 déjà, il était le premier fonds souverain du monde en termes de volume : plus de 600 milliards d’euros en 2014. Il est alimenté par les profits du gouvernement générés par la manne pétrolière grâce à des impôts, permis d’exploitation et d’exploration mais aussi grâce à la participation à des sociétés telles que Norsk Hydro et Statoil.
L’un des objectifs principaux de ce fonds est d’utiliser de manière responsable les profits générés par la manne. Il est important de relever que ce n’est pas un fonds classique, comme les OPCVM et autres SICAV mais qu’il s’agit bien d’un « fonds souverain » donc d’un fonds d’État qui est basé sur les placements financiers détenus et gérés par l’État. Ce fonds souverain est le plus important au monde dans sa catégorie, avec près d’un milliard d’euros d’encours en 2020. En comparaison, BlackRock, l’entreprise privée derrière les ETF iShares, possède plus de sept milliards d’euros d’encours. Ce fonds renvoie une image éthique de la gestion de la rente pétrolière norvégienne, il a même mis en place un indice de transparence dit de Linaburg-Maduell évaluant la transparence des fonds souverains, tient publique une liste des entreprises exclues des investissements réalisés par ce fonds du fait d’une violation des droits de l’homme ou de la production d’armes par exemple.
Par ailleurs, le gouvernement ne prélève que les revenus de placements de telle manière à protéger les finances de l’État des fluctuations du marché pétrolier. C’est une stratégie qui semble avoir été payante pour la Norvège. En effet, malgré la crise financière de 2008, l’économie norvégienne s’est remise rapidement avec les profits importants générer par la manne. Avec une production de plus de 1,5 million de barils de pétrole par jour (bpj), la Norvège est aujourd’hui le 17e producteur mondial. Néanmoins, un rendement élevé signifie aussi que la valeur du fonds pourrait beaucoup varier dans le futur comme le rappelle régulièrement Olsen le directeur de la banque centrale norvégienne. Le fonds norvégien est investi dans plus de 9000 sociétés et gère l’équivalent de 1.5% de la capitalisation boursière mondiale, c’est un fonds qui ne cesse de grossir.
Un fonds qui s’oriente vers les énergies renouvelables
En 2020, le fonds a pourtant décidé de placer sur sa liste noire 12 groupes miniers comme Glencore et Anglo American du fait de leurs « émissions inacceptables de gaz à effet de serre ». Par ailleurs, la Banque de Norvège qui s’occupe du fonds, a aussi annoncé la mise sous observation de certaines sociétés comme BHP Group et Vistra Energy. C’est une mise sous observation qui pourrait aussi aboutir à une exclusion de ces sociétés.
L’ONG environnementale allemande Urgewald a salué le fait que le fonds, bien que sourcé par la manne pétrolière norvégienne, poursuive son désengagement du secteur du charbon. Néanmoins, l’ONG aurait souhaité que certaines des entreprises qui ont été placées sous observation soient également exclues. Par exemple, la société BHP qui est sous observation, a produit en 2019, plus de 25 millions de tonnes de charbon, alors que le critère du fonds se situe à 20 millions de tonnes par an. Pourtant, cette société n’a, pour le moment, pas encore été placée sur la liste noire du fonds.
Le fonds souverain norvégien est, comme il en avait été mention plus haut, un exemple vertueux en matière de transparence et d’éthique. En effet, celui-ci présente des rapports trimestriels et annuels qui sont publics. Aussi, un comité d’éthique a été créé en 2004 afin d’investir de manière responsable. Le comité veille à ce que tous les investissements soient en coordination avec les règles éthiques du fonds, excluant les sociétés impliquées dans la fabrication d’armes, dans la production de tabac, dans le non-respect des droits de l’Homme et dans la destruction de l’environnement. Par exemple, en 2015, le fonds s’est retiré de plus de 70 entreprises qui avaient des impacts sociaux et environnementaux néfastes. Il en est de même concernant les critères éthiques avec la société Vale qui a été impliquée dans la rupture d’un barrage qui a fait 270 morts en 2019 et Electrobras, à qui il est reproché d’avoir violé des droits des peuples indigènes lors du développement de la centrale électrique Belo Monte. De plus, en avril 2021, le fonds souverain de la Norvège a annoncé investir dans l’un des plus gros parcs d’éoliennes offshore au monde. Le fonds investit donc fortement dans les énergies renouvelables qui représentent une nouvelle classe d’actifs et qui permettent au fonds de se diversifier.
Le fonds norvégien est donc un modèle de fonds souverain, qui a décidé d’investir responsablement et durablement dans les énergies renouvelables car bien conscient de préparer l’après des énergies fossiles.
À propos de Bernard Attali
Après avoir exercé des fonctions de directions auprès de grandes entreprises françaises, Bernard Attali, praticien des métiers de l’audit, de la finance et du conseil, crée Gouvernances et Valeurs en 2011.
Cabinet de conseil, Gouvernances et Valeurs aide les dirigeants d’entreprises publiques et privées dans l’évaluation de leurs politiques de gouvernance, risques et contrôle interne, dans l’élaboration et l’optimisation de leurs stratégies de corporate finance.