Time For The Planet, un outil d’investissement citoyen qui lutte contre le dérèglement climatique
Découvrez l’interview de Coline Debayle, Co-fondatrice de Time for the Planet, nouveau modèle entrepreneurial au service de l’environnement :
Top Management France : Time for the Planet, qu’est-ce que c’est ?
Coline Debayle : C’est un concept un peu OVNI. L’idée est de lutter contre le dérèglement climatique en créant un outil citoyen qui ait une capacité d’action à la fois mondiale et très rapide. Pour cela, nous avons décidé de miser sur l’entrepreneuriat.
Time for the Planet est un outil d’investissement citoyen. Tout le monde peut participer et devenir associé à partir de 1 €.
Concrètement, nous rassemblons progressivement 1 milliard d’euros pour créer et financer 100 entreprises qui seront pensées et paramétrées de A à Z pour lutter contre les gaz à effet de serre qui sont les principales sources de réchauffement climatique de la planète.
En parallèle, nous détectons des innovations à très fort potentiel de réduction et de captation du gaz à effet de serre en vue de créer des entreprises. Nous allons les financer et nous ferons en sorte qu’elles soient copiées grâce au système de l’open source. L’objectif est que ces entreprises soient répliquées partout dans le monde.
Sur le long terme, nous n’allons finalement pas créer 100 entreprises mais plutôt 100 marchés ou filières pour lutter contre le dérèglement climatique.
“Nous avions besoin de donner du sens à nos actions entrepreneuriales”
TMF : Quelle est la genèse de Time for the Planet ?
C.D. : Nous sommes 6 entrepreneurs, nous avions tous des entreprises qui fonctionnaient très bien et nous gagnions très bien notre vie. Mais nous avions tous les 6 besoin de donner du sens à nos actions entrepreneuriales.
Pour imaginer Time for the Planet, nous nous sommes dit « jouons sur le terrain économique tel qu’il est aujourd’hui mais insérons un certain nombre de hack ou de disruption pour aller plus vite et pour avoir un impact beaucoup plus grand. Mais soyons très ambitieux parce que le problème est titanesque. Alors, inventons un outil titanesque qui est capable de répondre et de faire face à ce problème ».
Nous avons la chance d’avoir pu revendre nos entreprises précédentes ou nous retirer de l’opérationnel pour toucher des dividendes ce qui nous permet de travailler 95% de notre temps bénévolement sur Time for the Planet et ce au moins jusqu’à ce qu’on ait levé 10 millions d’euros pour ne pas peser sur les frais. Nous avons aussi des actions Time for the Planet, elles sont au même titre que tout le monde, sans prise de valeur.
Nous ne sommes pas naïfs, Time for the Planet ne suffira pas il faudra évidemment beaucoup de volonté politique et beaucoup de changements de comportements individuels. Notre but a toujours été de créer un mouvement qui nous dépasse.
TMF : Comment allez-vous créer ces entreprises ?
C.D. : D’abord, il faut de l’argent, nous sommes en phase de levée de fonds. En moins d’un an nous avons rassemblé, grâce à 5 500 associés citoyens, plus de 1 million d’euros. C’est parmi les plus grosses campagnes de crowd funding européennes, une belle prouesse ! Maintenant l’objectif est d’atteindre 10 millions d’euros pour pouvoir créer nos 3 premières entreprises en 2021. Pour ça nous allons chercher à nous associer avec des entreprises, des family offices, des business angels, des investisseurs privés qui vont pouvoir passer ce cap des 10 millions d’euros avec nous.
Une fois que nous aurons ces fonds, il nous faudra trouver les meilleures innovations. Il y a déjà énormément de personnes qui postulent aujourd’hui et qui nous proposent leurs innovations et puis nous avons aussi des réseaux au sein de laboratoires comme le CNRS, le CEA où d’autres qui permettent de nous faire connaître auprès de beaucoup de scientifiques qui peuvent proposer leurs idées.
Un processus de sélection basé sur l’intelligence collective
TMF : Par quelles phases devront passer ces innovations pour devenir des entreprises ?
C.D. : Il y aura plusieurs phases de l’innovation à la création d’une société :
1- Chaque innovation sera étudiée par une cinquantaine d’évaluateurs qui vérifieront qu’elle fait bien partie de notre périmètre d’action.
2- Les meilleures innovations seront présentées à un comité composé de scientifiques de renom qui va valider la pertinence scientifique du projet.
3- Nous allons ensuite tester l’appétence marché, parce que nous n’investissons pas dans une société qui a besoin de 20 ans de recherche et développement mais dans des sociétés qui sont capables d’aller répandre tout de suite leur produit.
4- Après validation des 3 premières étapes, nous ferons travailler ensemble le « super-scientifique » avec un entrepreneur qui va lui apporter son savoir-faire sur la création d’une équipe commerciale, le marketing, l’internationalisation, etc.
5- Nous allons ensuite créer une note d’investissement à destination de tous nos associés qui voteront et, s’ils choisissent d’investir dans cette innovation, alors nous injecterons entre 500 000 et 1 à 2 millions d’euros dans cette entreprise pour qu’elle puisse se déployer.
Au fur et à mesure qu’elle a d’autres besoins en capital nous pourrons réinvestir au sein de l’entreprise.
Il y a donc un véritable processus de sélection qui est basé sur l’intelligence collective et qui permet de faire émerger les meilleures innovations, les plus radicales, les plus impactant en termes de lutte contre les gaz à effet de serre. Ces entreprises doivent être rentables et doivent pouvoir se déployer le plus vite possible
TMF : Pourquoi ne pas investir sur des sociétés existantes ?
C.D : Nous avons lu le rapport du GIEC qui confirme que nous avons besoin d’innovations car tout ce qui doit être inventé ne l’a pas encore été pour lutter contre le réchauffement climatique. Chez Time for the Planet, nous pensons qu’il faut planter plein de petites graines sur des sujets qui ne sont pas encore traités aujourd’hui. Notre mission est de gérer ces amorçages en permettant à beaucoup de scientifiques de mettre à disposition leur innovation souvent cantonnée à un laboratoire car ils n’ont pas forcément l’esprit entrepreneurial. Nous ne sommes pas fermés à prendre des projets déjà existants à condition qu’ils acceptent l’open source, c’est une condition très spécifique.
TMF : Qui sont les scientifiques qui viennent à vous ?
C.D. : Ce sont surtout des chercheurs qui n’ont jamais imaginé créer une entreprise mais qui pensent que ça serait une bonne opportunité pour déployer leur innovation. Ils ne souhaitent pas forcément gérer, ni manager, en revanche la synergie avec un entrepreneur les intéresse car ils souhaitent travailler sur l’amélioration de leur innovation. Du coup nous partons de 0 avec eux puisqu’ils ont l’innovation mais n’ont pas toujours réfléchi à comment la transformer en entreprise. Nous leur proposons des petits ateliers pour réfléchir au business model compatible avec l’open source. Notre objectif est qu’ils se concentrent sur ce qu’ils savent faire et améliorent leur innovation. Nous leur « amenons » un entrepreneur, co-fondateur, qui se chargera de faire le reste. Notre mission est de faciliter l’accélération et le déploiement de ces innovations.
“Notre vision est de devenir un mouvement international”
TMF : Vous créez aujourd’hui de vraies synergies entre les compétences d’un scientifique et les compétences d’un entrepreneur. Est-ce que vous restez franco-français où vous êtes ouvert à des scientifiques ou des entrepreneurs étrangers ?
C.D. : Notre vision chez Time for the Planet est de devenir un mouvement international. Tout a démarré dans le bassin lyonnais parce que c’est de là que nous venons puis nous sommes très vite passés au niveau national.
Aujourd’hui nous discutons avec des grands groupes français qui ont aussi des filiales à l’étranger. Evidemment notre ambition est de devenir un mouvement international.
Il faut se rappeler que nous sommes un objet juridique un peu spécial ! Nous ne pouvons pas accepter de l’argent de partout pour le moment, seulement de toute l’Europe. L’internationalisation de notre mouvement demande une forte préparation mais, ce qui est extraordinaire, c’est que beaucoup de personnes traduisent bénévolement tous nos documents en anglais et dans différentes langues. Nous avons des personnes qui postent sur les réseaux sociaux dans toutes les langues et il y déjà des associés qui ont investi depuis 34 pays !
Pour la partie « innovation » nous avons déjà des innovations qui viennent de l’Europe et du monde entier mais pour le moment nous ne sommes pas encore tout à fait équipés pour les recevoir et les traiter correctement. Notre objectif est déjà que là toute la France, ses entreprises et ses citoyens, nous connaissent et nous rejoignent.
TMF : Comment s’organise la gouvernance de Time for the Planet et des entreprises qui seront créées ?
C.D. : Il faut bien distinguer 2 niveaux dans notre gouvernance :
- La gouvernance de Time for the Planet, qui est l’outil qu’on a créé, est une société à mission. C’est une société commerciale qui investit à but non lucratif. En théorie, ça n’existe pas ! Time for the Planet propose ce qu’on appelle un TRI (taux de retour sur investissement) de 0 c’est-à-dire que Time for the Planet ne distribuera jamais de dividende et ne permettra jamais de faire de plus-values. On émettra toujours des actions à 1€. Nous avons inscrit dans nos statuts que nous distribuerons des dividendes que lorsque nous serons revenus à la température préindustrielle donc à priori ce n’est pas pour tout de suite ! Nous ne pouvions pas faire autrement car c’est illégal de ne pas distribuer de dividende dans la loi française. On a donc trouvé ce petit hack qui nous fait bien rire.
- La gouvernance des filiales que nous allons créer c’est-à-dire ces 100 entreprises. Elles seront des filiales détenues majoritairement par Time for the Planet avec des co-fondateurs (entrepreneur/ scientifique). Ces entreprises là sont très différentes, ce sont des entreprises « normales » qui doivent être rentables. Elles sont absolument à but lucratif c’est-à-dire qu’elles doivent se développer comme n’importe quelle entreprise, gagner le plus d’argent possible, déployer leur solution le plus vite possible pour avoir le plus d’impact.
TMF : Quel est l’avenir de ces entreprises, seront-elles liées à Time for the Planet longtemps ?
C.D. : Nous allons investir un certain nombre de capitaux si nécessaire mais évidemment l’idéal est qu’elles fassent leur croissance toute seule et qu’elles puissent réinvestir dans leur croissance.
Au bout d’un certain temps, quand les co-fondateurs le souhaiteront et qu’ils auront atteint un certain nombre d’objectifs (en termes de CO2 ou gaz à effet de serre et en termes de rentabilité), ils pourront racheter les parts de Time for the Planet et devenir ainsi majoritaire et se détacher de nous. Time for the Planet pourra faire une plus- value mais comme nous sommes « à but non lucratif » cette plus-value sera réinjectée dans une nouvelle société, une nouvelle innovation.
TMF : Quelle est votre enjeu vis-à-vis des entreprises françaises ?
C.D. : Notre enjeu aujourd’hui est d’associer les entreprises à notre mouvement sans qu’on puisse nous accuser de greenwashing. On a donc un angle très spécifique : on discute avec tous les types d’entreprises. Elles deviennent associées exactement aux mêmes conditions qu’un citoyen, il n’y a donc aucun retour financier mais elles bénéficient, dès lors qu’elles investissent un certain montant, d’une offre spécifique.
Aujourd’hui nous recherchons les 5 premiers gros partenaires qui vont mettre entre 1, 2 et 3 millions d’€ pour devenir les premières grosses entreprises qui soutiennent Time for the Planet. Pour garantir qu’on reste un mouvement citoyen et indépendant, nous avons construit une gouvernance très stricte qui permet de s’associer à toutes les structures sans pour autant risquer d’être détourné de notre objectif. Pour cela, toutes les décisions stratégiques et tous les choix d’investissement sont soumis à un double vote :
- Un vote de tous les associés en proportion de leurs investissements donc là évidemment si une entreprise a mis 200 millions et qu’un citoyen à mis 10€ il y aura un gros déséquilibre.
- Un 2e vote ou la règle est : une entité = une voix. Ce qui veut dire que l’entreprise et le citoyen ont le même poids. Comme il y aura toujours beaucoup plus de citoyens associés que d’entreprises, même si le montant mis par les entreprises est 100 fois supérieur, on a un garde-fou pour que personne ne puisse et ne veuille détourner Time for the Planet de son objectif premier.
TMF : Quelle est votre offre pour ces entreprises partenaires ?
C.D : En fonction de leur investissement, nous proposons aux entreprises d’intégrer un « climate deal » c’était un deal que nous construisons avec chaque entreprise et qui lui permet d’obtenir certains bénéfices qui ne sont pas proposés à un particulier.
Nous allons ainsi proposer un certain nombre de services et d’avantages : visibilité, communication, animation et sensibilisation auprès des collaborateurs avec notamment :
- Une plateforme d’engagement et d’animation interne pour que le salarié puisse organiser des événements et monter des projets Time for the Planet au sein de l’entreprise.
- Une page où l’entreprise va pouvoir mettre en avant ces actions sur des gaz à effet de serre
Nous proposons aux entreprises de mesurer la performance environnementale de leur investissement non pas avec un TRI (taux de retour sur investissement) mais avec un TRP (taux de retour pour la planète) qui est le nombre de tonnes de CO2 non émit où capté par euro investi. Cette mesure prouve l’impact carbone de l’entreprise. Le TRP sera réalisé par un cabinet indépendant qui le mesurera sur l’ensemble des entreprises créées par Time for the Planet mais aussi sur toutes celles qui ont copié les innovations.
Ce TRP est un élément clé que les entreprises peuvent intégrer dans leur rapport RSE pour leur image et leur visibilité.
Nous espérons rassembler un jour l’ensemble des entreprises françaises et tout le CAC40 pour nous soutenir et nous aider à passer à l’étape 3 qui sera l’internationalisation du mouvement.
Une aventure hors norme
TMF : Vous êtes bénévole pour Time for the Planet. Qu’est-ce que cette aventure vous apporte personnellement et professionnellement ?
C.D : L’aventure Time for the Planet est une aventure hors norme. J’ai commencé par être entrepreneure pendant 7 ans. J’avais perçu, via ma première entreprise Artips, la capacité à transformer un peu le réel et avoir de l’impact sociétal puisque cette entreprise servait à démocratiser l’accès à la culture via une newsletter gratuite.
J’avais ainsi compris que l’entrepreneuriat est un bon levier qui permet d’agir très rapidement pour résoudre un problème.
Dès que j’ai découvert Time for the Planet je me suis dit « c’est génial ! ». Le concept est fondé sur des choses auxquelles je crois : l’innovation et l’entreprenariat. Ces 2 leviers réunis permettent d’avoir un impact face à ce problème gigantesque du réchauffement climatique contre lequel je me sentais extrêmement impuissante.
Avec ce mouvement, je m’enrichis énormément humainement parce que ça prend très vite ! C’est très agréable de voir qu’une idée que nous avons eu est en train d’être adoptée par beaucoup de personnes. Nous créons également un mouvement citoyen, nous ne sommes pas les seuls bénévoles puisque nous avons une quinzaine d’ambassadeurs qui passent 2 à 3 jours par semaine bénévolement pour déployer le mouvement. Nous avons plus d’un millier de bénévoles qui nous aident : des traducteurs, décodeurs, designers ! Nous sommes vraiment portés par cette énergie et donc c’est un bonheur au quotidien de voir cette aventure qui grandit.
La fierté de participer à ce projet qu’ont tous les associés permet d’aller très vite, très loin. Nous ne serons sans doute pas les meilleurs pour continuer Time for the Planet dans 5 ans. Sans doute qu’il faudra des profils bien plus « capés », bien plus internationaux pour gérer tout cet argent mais nous aimons beaucoup créer, amorcer et c’est à ça que nous travaillons actuellement.
Nous avons aussi l’impression d’être acteurs du changement, acteurs de demain et de permettre à beaucoup de personnes de le devenir. Ceux qui nous rejoignent ont des profils extrêmement variés mais en général ils ont comme sentiment et point commun de s’être sentis impuissants et d’avoir enfin trouvé un mouvement optimiste résolument basé sur l’action et non pas sur les réflexions.
Découvrez le projet et devenez associé : www.time-planet.com
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